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main ; contre l’infortuné Samain qu’ils ont assassiné ; contre un pauvre curé lorrain qu’ils ont fusillé sans que nous sachions pourquoi ; contre deux pauvres enfans qu’ils ont fusillés aussi, mais cette fois nous en connaissons le motif : à la manière du chevalier d’Assas, ces petits patriotes auraient crié : « Attention, voilà les Prussiens ! » Que tout ce sang innocent retombe sur leurs têtes ! C’est, dit-on, pour faire peur en montrant de quoi ils sont capables, que les Allemands se conduisent ainsi : ils ne réussissent qu’à faire horreur.

Nous avons dit que, pour conserver la fidélité de ses alliés, l’Allemagne aurait dû choisir une autre occasion et un autre motif de guerre que ceux qu’elle a invoqués. Nous ne parlons pas de l’Autriche-Hongrie. Dans la forme, c’est pour elle que l’Allemagne a brûlé ses vaisseaux ; l’Autriche-Hongrie ne pouvait donc pas l’abandonner. Il semble pourtant qu’après avoir commis la folle imprudence de son ultimatum à la Serbie, elle ait éprouvé quelque hésitation quand elle en a vu les conséquences. On assure qu’au tout dernier moment elle avait accepté en principe une proposition conciliante de l’Angleterre, qui n’a pas eu de suite parce que l’Allemagne, l’Allemagne seule, a refusé de s’y rallier. L’Autriche a laissé pendant si longtemps son ambassadeur à Paris, où sa situation, en s’y prolongeant, avait quelque chose de si ridicule et de si inconvenant qu’on se demande s’il n’y avait pas encore dans son esprit une vague espérance d’échapper à la guerre contre nous. Peut-être l’a-t-elle encore, car s’il y a eu rupture des relations diplomatiques, il n’y a eu de déclaration de guerre ni d’un côté, ni de l’autre. Nous avons dû demander des explications à Vienne. Il était de notoriété publique et nous savions pertinemment que l’Autriche avait détaché des troupes à l’Ouest et les avait mises à la disposition de l’Allemagne. Le comte Berchtold a cherché à équivoquer sur le caractère de ces mouvemens ; mais les faits n’étaient pas contestables. Nous avons rappelé notre ambassadeur de Vienne et l’ambassadeur autrichien a quitté Paris : hâtons-nous de dire que tout cela s’est passé dans les formes les plus courtoises, avec la politesse qu’emploient entre elles les nations depuis longtemps civilisées et les hommes simplement bien élevés. Mais l’Autriche n’était plus libre : l’Allemagne la tenait et ne la lâchait pas. Heureusement, ni l’Allemagne, ni l’Autriche ne tenaient l’Italie. L’Italie ne s’était engagée envers elles que pour une guerre défensive, c’est-à-dire une guerre où nous aurions été les agresseurs, et elle s’était engagée envers nous à ne pas participer à une agression dont nous serions l’objet. Certes, l’Italie ne pouvait pas hésiter : il était bien clair que, dans le cas