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comment préférez-vous, comment souhaitez-vous qu’elle s’engage ? » qu’aurions-nous pu répondre, sinon en exprimant le désir que, dès le premier moment, la Russie, notre alliée, et l’Angleterre, notre amie, marchassent résolument avec nous ; que l’Italie, notre sœur latine, désapprouvant l’agression dont nous aurions été l’objet, refusât de s’y associer et proclamât sa neutralité en attendant mieux ; que des puissances, petites par leur territoire, mais très grandes par le cœur, fussent provoquées et envahies au mépris de la foi jurée, de manière à ce que leur cause se confondit avec la nôtre et à ce que l’opinion du monde civilisé, se prononçant en leur faveur, mit également son espoir en nous ? Nous aurions demandé que ces mille « forces impondérables » dont Bismarck connaissait la valeur fussent de notre côté. Eh bien ! tous ces vœux dont la réalisation totale paraissait si difficile que nous n’aurions pas osé les exprimer, tous ont été exaucés. En l’espace de quatre jours, l’Allemagne a soulevé contre elle la conscience universelle par ses impostures, ses violations du droit, ses procédés grossiers, ses brutalités criminelles. Le mince vernis de civilisation qui recouvrait, d’ailleurs assez mal, sa barbarie foncière s’est effrité. Le reître d’autrefois, sans pudeur, sans pitié, est apparu au monde étonné, mais non pas du tout épouvanté. Le monde a couru aux armes, et les premiers coups portés ont raffermi sa confiance. Nous ne savons pas ce que sera la suite de la campagne, mais elle ne pouvait mieux commencer. Le plan que l’Allemagne avait lentement, mystérieusement, sournoisement préparé, dès le premier jour de son exécution, a éprouvé un premier et grave échec. Nous ne nous faisons aucune illusion : la formidable partie est à peine engagée, et nous savons très bien qu’elle sera difficile, pénible, marquée d’incidens divers. Mais nous le disons hardiment : toutes les chances sont de notre côté. En guise de cordiaux, son gouvernement soutient l’Allemagne avec des mensonges : nous n’avons besoin que de la vérité.

Il est certain aujourd’hui que l’Allemagne avait très expressément préparé l’attentat qu’elle vient de commettre. On a pu croire au premier moment et elle a essayé de faire croire qu’elle avait été entraînée à la guerre par les seules obligations de son alliance envers l’Autriche. L’Autriche avait déclenché la fatalité qui avait tout emporté. On a su depuis qu’il n’en était rien. Le premier acte de la sanglante tragédie qui se poursuit a bien été l’ultimatum adressé par l’Autriche à la Serbie, et le ton en était tel que toute l’Europe a compris, sauf peut-être l’Autriche elle-même, qu’un pareil début devait conduire en quelques jours à la guerre générale. Qu’a dit alors