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complète, dans le public, des actions coupables commises par des officiers tient surtout à un système d’étouffement en vertu duquel, autant que possible, les élémens suspects sont simplement écartés, de façon à éviter une intervention judiciaire. Les officiers pris en faute sont, sur-le-champ, congédiés de l’armée, sans que les documens officiels contiennent la moindre mention du motif de leur renvoi. On veut, avant tout, rendre impossible toute plainte publique, afin que nulle tache ne vienne souiller l’éclat de l’honneur professionnel. Empêcher les mauvais bruits de transpirer au dehors, dût-on même, par là, manquer gravement à toute justice, est malheureusement une manière d’agir très répandue dans le monde militaire ; et c’est ainsi que, par degrés, la croyance populaire à la pureté morale de l’officier se transforme, sous nos yeux, eu une croyance opposée. »

Patriote zélé, le capitaine Pommer dénonce chaleureusement à l’Allemagne le danger que constituent, pour elle, ces tares « privées » de sa vie militaire. C’est avant tout au point de vue de la défense nationale, comme je l’ai dit, qu’il souhaiterait l’introduction, dans le « corps des officiers, » d’un esprit nouveau, substituant à la funeste passivité présente une obéissance moins machinale, et comblant le fossé qui sépare aujourd’hui l’une de l’autre les deux conceptions, « civile » et « militaire, » de l’honneur. Mais on entend bien que son étude ne pouvait pas se borner à ce côté, tout intime, de l’organisation militaire de son pays. Les curieuses « suggestions » que je viens de résumer n’occupent, en fait, qu’une première moitié de son livre ; après quoi d’autres chapitres, à peine moins révélateurs, abordent de front l’examen de toutes les lacunes et de tous les vices qui, suivant l’avis de l’ex-capitaine, affaiblissent expressément la portée « professionnelle » de ce corps d’officiers dont il a fait partie pendant plus de vingt ans. Considérant tour à tour les trois degrés principaux de l’échelle des grades, le sous-lieutenant, le capitaine, et le colonel, M. Pommer nous montre, avec la même abondance d’exemples frappans, de quelle manière, à chacun de ces degrés, une longue habitude d’inaction pacifique a créé peu à peu des pratiques dont les unes se trouveraient absolument inutiles en temps de guerre, tandis que d’autres risqueraient de devenir désastreuses.

Le principe fondamental sur lequel repose toute cette seconde partie de ses réflexions se rattache, d’ailleurs, de très près à la conclusion qui déjà nous a paru ressortir des chapitres précédens. Pour le grand dommage de l’armée allemande, les pouvoirs établis et l’opi-