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garçons en veste andalouse de satin bleu et en cotte ajustée, et des filles au court jupon blanc, au corset rose, dansent d’un rythme alerte et doucement harmonieux, par couples que relie un cerceau enguirlandé de pampres et de rubans. Au son du hautbois et du fifre, les couples légers sautillent, courent à pas menus, décrivent des rondes, des arabesques, puis se retrouvent en vis-à-vis malicieux. Et les instrumens jouent sans cesse l’ancienne mélopée, qui est arrivée jusqu’à nous :

Et Ortola, passo, sé bos passa,
Et passo jhoust las treillos ;
Et Ortola, passo, sé bos passa,
E passo dé delà…

(Et Ortola, — le chef des jeunes gens, qui se tient seul entre les couples, — passe, si tu veux passer, et passe sous les treilles ; et Ortola, passe, si tu veux passer, et passe de l’autre côté…)

Et Ortola pirouette, s’incline devant chaque couple en souriant : de son thyrse orné de rubans et de fleurs, il dirige en réalité les Treilles, la vigne aux grappes humaines, qui sont plus séduisantes encore que les raisins bruns et dorés dans la clarté jolie de l’aurore. Si les danses d’un pays racontent son histoire, « si, comme on l’a dit, Athènes revit tout entière aux frises du Parthénon dans le cortège rythmé des Panathénées, » les Treilles sont bien le symbole de Pézénas ou plutôt du Languedoc, pays du vin, du soleil et de la joie.

Georges Beaume.