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il faut caser dans les écuries, sur de la paille, les visiteurs retardataires et indulgens. Tous les accens du Midi, et tous les costumes, se confondent dans les rues où se déroulent les farandoles : sur le Pré, où est exposé un véritable trésor du foyer Languedocien, meubles anciens, bijoux, tableaux, parures de toute sorte ; sur le Plan, où les joueurs de tambourin, agiles et adroits ainsi que des athlètes de la Grèce ou de Rome, sa livrent à leur sport familier, si favorable à la santé du corps et de l’âme. Le Poulain, du matin au soir, promène partout ses danses et ses cabrioles. Le dernier jour, une cavalcade réunit en son cortège tous les arts de la ville et des champs. Le cap de jouben (caput juventutis) coiffé d’un chapeau à la Henri IV, vêtu d’un habit à la française, l’épée au côté, la canne à la main, ouvre la marche. Des jeunes gens, chacun ayant un sac de satin rose en bandoulière, jettent des fleurs, des dragées, parmi la foule, sur les balcons garnis de spectateurs. Cinquante mules caparaçonnées, conduites par les laboureurs des plus riches domaines, traînent une charrette où, sous des branches feuillues d’olivier, des musiciens jouent les airs nationaux. Les travailleurs de terre traînent un pavillon entouré de pampres et chargé de raisins. Les jardiniers s’avancent sur un char, orné de plantes potagères. Les maçons, les plâtriers, portent sur leurs épaules un temple élégant de pierre blanche. Des petits mitrons, au service de plusieurs fours de boulangers, distribuent des galettes chaudes. Puis, les tonneliers, les forgerons, les tanneurs, etc., travaillent sur leurs chars le fer, les peaux ou le bois. Derrière le char de saint Éloi, paraît une bergère entre deux pastoureaux. Les bergers de nos coteaux et de la montagne dansent sur deux rangs, au son des fifres et des tambours : ils s’arrêtent parfois, pour faire la bataille avec leurs longs bâtons noueux. Lorsque la lutte devient trop vive, la bergère s’interpose, et les bergers aussitôt, en abaissant leur arme, saluent la Reine qui sourit à tous.

Enfin, au milieu de la foule qui frissonne d’admiration en murmurans remous, voici le ballet charmant qui n’appartient qu’à mon pays : les Treilles. C’est la vigne, la richesse et la parure de la plaine vivante et radieuse, apportant à la cité de ses travailleurs l’hommage de sa gratitude et de son amour. Les Treilles apparaissent à Pézénas pour la première fois en 1554, aux fêtes données en l’honneur de Charles IX. De jeunes