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EN BAS-LANGUEDOC


I

Que de fois, le bâton du voyageur à la main, j’ai parcouru les mornes causses des Cévennes ! L’étranger, — surtout l’Anglais, l’Américain et l’Allemand, — vient plus nombreux chaque année en admirer la beauté sévère. Pour trouver une région « analogue, il faut sortir de l’Europe, aller presque dans l’Ouest de l’Amérique, dans la région des hauts plateaux de l’Arizona et de l’Utah[1]. »

Sur cette étendue de 140 kilomètres carrés, qui s’élève à une altitude de 8 à 900 mètres, le vent se promène à l’aise, roule parfois sourdement comme un tonnerre. Pendant le jour, j’y ai subi, lorsque le soleil frappe cette roche calcaire, une chaleur d’enfer. Dès la nuit, sévit un froid vif, sous le ciel aux innombrables étoiles qui luisent, pareilles à des yeux de loup.

Le plus grand des causses, le Larzac, est traversé par une route, de Millau à Lodève : on ne la distingue pas, même à une faible distance, tant elle se confond, caillouteuse, ourlée d’herbes, avec le sol parsemé de maigres pâturages. J’étais toujours seul dans mes vagabondages, enveloppé d’une lumière éblouissante, dont pas un arbre n’interrompait le cours. Mon pas n’éveillait aucun écho ; mes yeux cherchaient en vain, pendant des heures,

  1. Docteur J.-Léon Soubeiran.