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disparaître encore ou de fixer ici son sort en faisant le bonheur de celle qui l’aimait.

Les choses en étaient à ce point la semaine dernière quand il est venu se mettre aux ordres de la Reine et s’offrir à elle comme garde du corps. J’ai su alors toute son histoire, que M. Hesse m’a contée sous le manteau de la cheminée, tout en feuilletant avec moi mes partitions. Leur départ pour Naples avait été différé de jour en jour, par l’impossibilité où était M. de Bressieux de s’éloigner de Rome sans provoquer une rupture et sans causer un désespoir. Dans ces conditions, disait M. Hesse, c’était rendre service à son ami que de le prendre comme sauvegarde, parce c’était lui permettre de perdre quelques jours encore et de prolonger une incertitude d’où il ne parvenait pas à sortir.

M. de Bressieux confirme ce dire par le long récit qu’il nous fait ce soir, au gîte de Boncavento. Il avoue que partir pour Florence avec la Reine lui semblait, hier encore, aussi difficile que partir pour Naples avec M. Hesse. Mais cette complication a amené entre la jeune veuve et lui une explication, et tout parait devoir tourner bientôt à un heureux dénouement. La Reine s’excusant de l’avoir entraîné en Toscane, au moment où des objets si pressans devaient le retenir à Rome, il l’a remerciée au contraire de ce qu’elle l’avait tiré d’une impasse et dégagé d’un embarras.

Ce parfait gentilhomme montre en tout tant de courtoisie ; il a le cœur si noble et si délicat qu’en dépit de sa balafre tragique, il mérite assurément d’être aimé. La jeune veuve dont il a parlé ne s’y est pas méprise ; mais tout de même, elle joue de malheur avec ses fiancés, et il lui est bien difficile d’arriver à la conclusion !


VALERIE MASUYER.