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jours à remplir ses fonctions chevaleresques auprès de la Reine. Au départ, il hâtait la marche par tous les moyens, sachant le désir qu’avait un de nos compagnons de gagner au plus tôt la campagne et le danger pour celui-là d’être reconnu par la police dans les rues de Rome. Nous croisâmes sur le Corso des gendarmes, puis des dragons. Arrêtés aux portes, le temps d’attacher à la voiture de la Reine un cheval de plus, un officier inconnu nous fit une fausse peur en s’approchant de nous. Il tenait simplement à se présenter comme un ancien capitaine de l’armée du prince Eugène et à charger M. de Bressieux de ses complimens pour les Princes.

La seule rencontre marquante de cette première journée fut celle de plusieurs centaines de soldats allant de Civita Vecchia à Civita Castellana, où le cardinal Benvenuti vient de s’enfermer, afin de mieux surveiller les prisonniers d’Etat. Fort peu de voyageurs sur la route ; à Bolzano, une auberge vide, où nous avons longuement causé et ri. A propos des complications de notre voyage, M. de Bressieux a dit en avoir une, qui lui est personnelle, et qu’il nous conterait le lendemain. Cette histoire nous était déjà à demi connue, mais par un autre que notre interlocuteur. La Reine, glissant sur le sujet, a mis la conversation sur la chute de Charles X et sur les événemens du mois d’août dernier.

Le Roi était à Saint-Cloud pendant les journées de Juillet. Il se transporta de là à Rambouillet, où il fit mine de se maintenir, appuyé sur les troupes de sa garde ; cette attitude incommodait beaucoup le nouveau gouvernement. Des expéditions burlesques de Parisiens débraillés et débandés n’étaient pas pour lui une menace. L’armée régulière pouvait difficilement être employée contre lui ; le duc d’Orléans n’en pouvait donner l’ordre, lié à la fois envers le souverain déchu par la politique et par la parenté. Dans ces conditions, rien n’était plus facile à Charles X que de provoquer une guerre civile : il lui suffisait de faire retraite vers la Loire et de se maintenir sur la rive gauche de ce fleuve, avec la Vendée derrière soi.

Le maréchal Maison usa de ruse, — il en a été récompensé depuis par l’ambassade de Vienne, — pour déterminer le vieux monarque à quitter Rambouillet et à gagner la Normandie. Les commissaires Schonen, Maison, Odilon Barrot lui tracèrent la route à suivre pour gagner Cherbourg. Maintenon, où le duc