Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/871

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

personnes s’étaient annoncées, quand Mme Yermolof est arrivée, puis d’autres, et que le salon s’est instantanément remplie Mlle Feray s’était déguisée en Frascatana ; les Vernet, père et fille, en brigands ; ils avaient apporté leur tambourin et ont dansé ensemble la saltarelle avec une grâce parfaite.

Des Français, nouveaux dans Rome, sont venus se faire présenter à la Reine. Parmi eux, M. de La Ferté et M. de Vogué, ce dernier fort beau garçon blond, d’une figure et d’une physionomie très agréables ; M. de Bel mont, dont l’air rêveur peut provenir de ce qu’il est ici pour sa santé, autant que pour ses opinions, ou peut-être de ce qu’en partant pour Rome il a laissé son cœur à Paris. Il est gendre du comte Molé, que la Reine a beaucoup connu autrefois, et il tient aussi quelque peu à elle par les alliances anciennes des Choiseul avec les Beauharnais.

Il arrive que les familles de ces royalistes, si fidèles à Charles X, ont plus ou moins fréquenté la cour impériale autrefois. C’est ainsi que M. de Gontaut, beau-frère de M. de Chabot, a connu la Reine jeune femme et même jeune fille ; mais bien qu’il soit aujourd’hui à Rome avec sa nombreuse famille, cette ancienne relation rompue ne s’est plus renouée. M. de Chabot n’avait garde au contraire de manquer à notre lundi gras. Voyant des costumes dans le salon, il est allé se mettre en Turc. Cependant M. d’Estournel, qui passait dans la rue, est monté en apercevant les lumières, et, pour s’excuser de n’être pas en tenue de soirée, a dit « s’être déguisé en passant, attiré par le bruit. »

Grâce à tous ces impromptus, la soirée s’est achevée le plus gaîment du monde. Ceux de nos cavaliers qui étaient venus à pied portaient par précaution un pistolet dans leur poche et dansaient avec leurs armes : il faut être à Rome pour voir de ces choses-là.


18 février

La comédie alternée du carnaval et de la révolution est restée interrompue depuis le samedi gras jusqu’au mercredi des Cendres, pour s’éteindre alors dans les pénitences du carême. Nous n’en savons pas moins aujourd’hui le mot de la charade et ce mot est : départ.

La Reine a reçu ce matin des lettres des Princes qui la