dans un café, où plusieurs de nos compatriotes, échauffés par le vin, avaient chanté la Marseillaise et crié : « Vive la liberté ! » Dévoués à notre ambassadeur, quelques-uns donnèrent leur parole d’honneur qu’ils ne se mêleraient plus en rien des affaires politiques ; d’autres, qui refusèrent de prendre aucun engagement, reçurent des passeports et furent invités à quitter la ville. On n’en annonçait pas moins vendredi des vêpres romaines et le massacre imminent de tous les Français. Les Transtévérins, disait-on, préparaient leurs armes. Ce sont les mêmes fanatiques qui, en 1797, assassinèrent le général Duphot, notre ambassadeur, sous les yeux mêmes du prince Eugène qui, simple aide-de-camp, venait d’apporter à Rome la nouvelle de la paix de Campo-Formio. Descendant des anciens Romains, dont ils ont gardé le sang pur de tout mélange, les traits nobles et le caractère lier, ils vivent confinés dans leur faubourg, se marient entre eux, et sont toujours prêts à s’armer de leurs poignards quand le pape fait appel à leur dévouement.
Le soir, au bal donné par le prince de Montfort, les Italiens les moins suspects de constitutionnalisme trouvaient étrange que les intérêts de la cause pontificale eussent été confiés à de pareils défenseurs. Les Français faisaient entre eux le projet, au moindre bruit d’alarme, de se réunir à l’Académie, et là, sur un terrain à eux, de se retrancher et de se défendre. Les Russes qui n’ont pas de goût pour les barricades, nous montraient des visages allongés ; mais comme le bruit courait d’une insurrection à Saint-Pétersbourg, que cette nouvelle n’avait rien d’invraisemblable et qu’au temps où nous vivons, personne n’est sûr du lendemain, ils se tenaient sur une réserve plaisante et n’osaient se déclarer tout à fait nos ennemis-La princesse de Musignano, au comble de l’effroi et les yeux pleins de larmes, parlait de partir pour l’Amérique ou du moins pour Florence, où l’on vit si heureux et si tranquille. La Reine affectait une insouciance que je ne pouvais partager, car ne serait-elle pas plus exposée que personne si la populace s’armait contre les Français ? Alexandre Torlonia, à qui j’en parlais, s’offrait à la prendre sous sa protection. Le beau prince Ruspoli témoignait du même zèle, et voilà qu’un autre Italien, rencontré l’autre soir à Tordinoni, très attentif depuis à mes mouvemens, s’approchait à son tour pour se dire prêt à me faire un rempart de son corps ! Je ne lui en demandais pas