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travers l’église. Sa Sainteté, assise sur un trône très haut, dominait de beaucoup la foule ; à sa droite et à sa gauche on élevait au bout de longues baguettes des éventails symboliques sur lesquels étaient peints des yeux ; c’est une manière ancienne d’exprimer qu’à cette heure les yeux du monde entier sont fixés sur lui : on brûlait en même temps les étoupes traditionnelles, en chantant : « Ainsi passe la gloire d’ici-bas ! »

La procession étant parvenue au chœur, le pontife a revêtu les ornemens sacerdotaux ; le trône rouge où il s’est d’abord assis rappelait la dignité épiscopale à laquelle, simple camaldule, Grégoire XVI a été élevé le jour même où il recevait les ordres. Puis, revenu à l’autel, il y a entonné les litanies des Saints, pour gagner enfin le trône blanc placé en face du tabernacle.

Tout le chœur, tendu de damas rouge et de crépines d’or, formait comme un vaste salon. Les cardinaux et les prélats en garnissaient le pourtour ; une double tribune aux gradins étages, l’une pour le corps diplomatique, l’autre pour les étrangers de marque, le dominait. Nous occupions la seconde, où se retrouvaient les habituées du salon de la Reine. Devant nous, nos danseurs et nos censeurs se tenaient debout entre la tribune et la grille du chœur. Pour n’être pas là en habit noir, la plupart s’étaient découvert des uniformes, mais ce déguisement ne les rendait pas plus solennels ; il est impossible d’imaginer une assemblée moins recueillie et moins dévote que n’était celle-là. M. de Masson courait après notre ambassadeur. Joséphine Yermolof s’agitait pour passer dans la tribune diplomatique. Elle n’a eu de cesse que M. Aritsof ne fût venu la chercher pour l’y conduire ; M. de Chabot l’a aussitôt suivie, car il ne la quitte pas.

Près du trône, se tenait le prince assistant au seuil, vêtu de noir. C’est la charge du royaume la plus haute ; elle appartient à la famille Orsini. Les Colonna en ont une autre. Tout le cérémonial est réglé avec un détail que notre léger caractère français ne peut s’empêcher de trouver long et fatigant. Le Saint-Père allait constamment de l’autel au trône. Sur ce dernier, la communion lui fut apportée et il puisa dans le calice avec le chalumeau d’or.

La messe et la musique achevées, son pavois l’emporta de nouveau à travers cette foule dont la houle devait lui donner le