Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/849

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toujours aux avant-gardes, c’est-à-dire le plus loin possible de la Reine. Il était en Pologne en 1806 et 1807, figurait aux batailles d’Eylau et de Friedland et ne revenait à Paris qu’après la paix de Tilsitt. Dans l’intervalle, le séjour de la Hollande avait mis la Reine à la merci de son tyrannique époux et ruiné pour toujours sa vie domestique.

La mort de son premier-né aurait dû la rapprocher de son mari ; elle les éloigna l’un de l’autre, au contraire, le chagrin du Roi ayant pris la forme d’accès de jalousie et se traduisant par des questions insultantes, où l’honneur de la mère était mis en doute devant le cadavre même de l’enfant. Il est permis de croire que ces nouvelles épreuves amenèrent chez la Reine une révolte du cœur définitive et la victoire de ce sentiment contre lequel elle avait lutté jusque-là. Elle parut vaincue aux derniers mois de cette même année 1807, après un voyage qu’elle fit dans les Pyrénées, où son mari vint la rejoindre ; ce rapprochement consomma la séparation inévitable et changea pour toujours l’éloignement en aversion.

Le prince Louis naquit au mois d’avril 1808. La seconde vie de la Reine commence aussitôt après. C’était, pour la galerie, le tourbillon des fêtes et des plaisirs du monde ; c’était, derrière ce paravent doré, sa secrète liaison avec M. de Flahault. Le brillant officier venait d’être rappelé de Pologne, non sans la secrète intervention de celle qui l’aimait. Il en rapportait quelques rhumatismes qui l’obligèrent à se rendre à Bourbonne. La Reine allant à Plombières, l’occasion s’offrait de voyager ensemble.

Des voyages pareils se firent chaque année jusqu’en 1815 ; au retour de l’un d’eux, la Reine accoucha, dit-on, d’un fils que Mme de Souza fit élever et qui doit être parvenu à l’âge d’homme aujourd’hui.

Pendant les trois campagnes de 1813, de 1814 et de 1815, le général de Flahault servit, auprès de l’Empereur, comme aide de camp ; il fut fait pair aux Cent-Jours et dut s’exiler à la Restauration. Passé en Allemagne, puis en Angleterre, il épousa bientôt miss Mercer Elphinstone, dont il eut plusieurs filles : le roi Louis-Philippe vient de le rappeler au service et de se l’attacher à son tour comme aide de camp.

Cette carrière nouvelle que M. de Flahault parcourt, cette famille qu’il vient de fonder, voilà ce qui se présente en ce moment à l’esprit de la Reine et par quoi elle se sent séparée de