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sacrifie beaucoup à l’utilitarisme pratique et à la stricte préparation professionnelle ; l’autre, dont les études semblent converger vers la logique et la métaphysique. La première est la plus importante de beaucoup. Si tel physiologiste, porteur d’un nom connu dans la littérature parisienne elle-même, se voir chargé, dans son université, d’un discours d’apparat, il ne manquera pas de vouloir combiner et concilier beaucoup de choses. Il s’efforcera d’agrandir les perspectives de la vie organique par ses distinctions entre la finalité dans les fonctions du corps et la finalité dans la pensée. Il rêvera de rattacher à la notion de l’hérédité l’espérance d’une immortalité faite de souvenirs indéfiniment accumulés, d’aptitudes indéfiniment perfectionnées, de telle sorte que si ce n’est pas le verbe qui s’est fait chair, ce sera la chair qui se fera verbe. Et, en attendant, l’orateur pensera peut-être contenter tout son auditoire, en mettant son mélange d’hypothèses et de métaphores sous les auspices des « deux plus grandes morales qui soient au monde, la morale chrétienne et la morale boudhiste. » Quand les manifestations oratoires ne célèbrent pas le bassin méditerranéen ou les antiquités de la Libye ou les progrès de la pharmacie, celle que je viens de résumer peut passer pour assez caractéristique.

L’enseignement du droit a toujours jeté sur les universités italiennes un éclat particulier, sans beaucoup en déranger cependant les anciennes habitudes demeurées très conservatrices. Lombroso avait aspiré à révolutionner le Droit criminel. C’est peut-être en Italie qu’il y a le moins réussi et, à une ou deux exceptions près, il n’a même pas entamé le groupe socialiste. C’est l’un des hommes les plus représentatifs de ce dernier monde, M. Antonio Labriola, qui a résumé très finement sur ce point l’opinion courante. Les travaux de Lombroso, a-t-il écrit, ne portent que sur ce qu’on peut appeler le pré-social, autrement dit sur une sorte de matière informe où les règles ordinaires des rapports sociaux ne sont pas applicables, car ils ne peuvent être mesurés à l’échelle du droit ; notre science n’a donc pas à s’en occuper. Bref, Lombroso n’a point fait école. Assurément on tient compte de bon nombre de faits mieux étudiés ; mais cette science, est, somme toute, redevenue très formaliste.

Il y a à cela une raison qu’on ne saurait trop mettre en relief : c’est qu’en Italie la prédominance du Droit romain reste considérable. On n’en a rien retranché, rien modifié. L’ancienne