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s’en plaignait à moi tout récemment. Ils se figurent, me disait-il, que pour l’histoire moderne il n’est besoin ni de consulter les archives, ni de comparer les témoignages, ni enfin d’appliquer les règles de critique auxquelles on se résigne dans l’étude des siècles anciens. C’est une.très grande erreur, avec laquelle on ne fait, — même dans les universités, — que des journalistes rétrospectifs.

Si maintenant on cherche à distinguer l’esprit dans lequel écrivent ces historiens, on verra s’y dessiner deux écoles. La première est l’école érudite, plus généralement catholique, se donnant, comme notre Société bibliographique française, par exemple, à l’élucidation des questions controversées, au redressement des erreurs. L’un des hommes les plus distingués de ce groupe, M. Cipolla, a successivement donné des études consciencieuses sur les factions politiques de Bologne, — sur les factions politiques de la Lombardie, — sur Jean de Médicis, — sur Odoacre, — sur les antiquités véronaises. C’est dans cette école qu’on dira : fixer exactement l’année où Annibal est descendu pour la première fois en Italie nous importe bien autrement que toutes vos théories sociologiques.

Ces dernières sont plutôt l’apanage de l’autre école qui, elle, est très anticléricale et met l’anticléricalisme partout, aussi bien dans l’étude des anciens Grecs que dans celle des contemporains, aussi bien dans l’histoire des Turcs que dans celle des Espagnols. C’est une sorte de manie dont on a même fini par s’amuser dans plus d’un milieu. Toutefois, comme il y a partout des gradations et des nuances, il convient de ne pas envelopper dans un même jugement des travaux aussi divers que ceux qu’on doit à M. Salvemini. S’il a brossé une histoire de la Révolution française sous l’influence et dans le style de l’esprit de parti, il a su écrire, sur la lutte des Magnari et Popolari (1272-1295), un livre vraiment scientifique : le public compétent, qui à Pise a organisé une société d’études historiques parfaitement conduite, en a reconnu la réelle valeur. Mais au-dessus de tous il n’est que juste de placer le très libéral et très clairvoyant Florentin M. Villari.

On pourrait être embarrassé de parler sur des chaires consacrées a l’enseignement des sciences proprement dites, si l’on n’était assuré d’être dans le vrai en signalant, là aussi, deux tendances, l’une qui, en médecine aussi bien qu’en mathématiques,