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L’amour de l’antiquité est demeuré en Italie comme un culte patriotique. Aussi me signale-t-on, à côté d’un helléniste très distingué, M. Vitelli, des latinistes éprouvés et sagaces. De récentes études sur le rôle de la critique et son avenir, il résulte clairement que l’érudition allemande, avec ses modes d’interprétation des textes, est respectée, qu’elle est presque redoutée, qu’on tient grand compte de la profondeur méticuleuse de ses recherches, mais que l’esprit italien souffre de n’y trouver à son gré, ni l’enthousiasme national, ni l’élégance et la clarté avec lesquelles la France sait faire un livre et surtout le faire lire. De bien des côtés, des amis des lettres latines et des antiquités romaines ont plaisir à donner ici Boissier comme un modèle. Au lendemain de 1870, dans les vingt années qui ont suivi, c’était l’influence germanique qui l’emportait dans les milieux intellectuels : près du petit nombre des chercheurs très sérieux elle n’a certainement pas cessé de se faire sentir. Mais d’abord, les Allemands produisent moins de travaux désintéressés qu’autrefois : puis, l’Italie, dans la science comme ailleurs, tient à la devise fara dà se. Elle semble même négliger ce qui vient se mettre le plus à sa portée.

La Belgique et l’Allemagne ont comme la France des foyers d’études archéologiques, historiques et littéraires installés à Rome et à Florence. Chaque groupe étranger y travaille chez lui et comme pour lui. Les Italiens s’en désintéressent. Que cependant on lui ouvre une institution qui prépare, par exemple, à la connaissance d’une langue vivante, du français notamment, les jeunes filles s’y précipiteront ; mais ce sera en vue d’aller occuper une chaire dans quelque petit collège. Provisoirement, le succès de l’œuvre ne s’étend pas au-delà.

Le royaume n’est pas sans compter des historiens qui ont honoré et honorent leurs universités. Ce qu’ils étudient le plus volontiers, donc avec le plus de succès, c’est l’histoire ancienne et l’histoire du moyen âge. L’une et l’autre ne leur rappellent-elles pas leurs plus beaux souvenirs, les souvenirs du peuple-roi et ceux des républiques italiennes ? L’histoire moderne les attire bien encore, mais en agissant sur des sentimens où l’amour pur de la science a moins de part. Un maître éminent, qui a successivement enseigné à Pise et à Florence et qui, malgré son grand âge, sait toujours compléter ses belles études sur Florence, sur Machiavel, sur le Midi de la Péninsule, M. Villari,