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cher ensemble les voies de la conciliation. Ils l’ont déjà fait autrefois avec succès. On a critiqué, selon nous, bien mal à propos l’ancienne réunion des ambassadeurs à Londres parce qu’elle n’avait pas résolu l’insoluble question d’Orient. Ce n’était pas tout à fait le but qu’elle s’était proposé, mais bien de maintenir la paix, et elle y avait réussi. Le peut-elle encore aujourd’hui ? Qui sait ? Il fallait l’essayer, il le faut toujours. Au premier moment, l’Angleterre a trouvé l’adhésion de l’Italie. La nôtre allait de soi. L’Allemagne n’a dit ni oui ni non ; elle a adhéré en principe, mais a réservé ses devoirs d’alliée ; elle n’a pas fait le geste qui aurait été décisif. Et tout est resté en suspens.

Dans une situation non seulement aussi périlleuse, mais aussi délicate, qu’il est difficile d’apaiser et de calmer, trop facile au contraire d’envenimer et de porter au paroxysme, tous les mots comptent et doivent être pesés avec soin. Il suffit d’avoir manifesté avec fermeté des intentions générales : pour le reste, le mieux est de s’en remettre à la diplomatie et d’attendre le résultat de ses efforts. Mais comment ne pas exprimer le regret qu’au milieu de circonstances aussi préoccupantes, notre gouvernement se soit trouvé en quelque sorte décapité ? Ce n’est pas une critique que nous faisons : qui pouvait prévoir de pareils événemens ? L’Autriche seule savait à quoi s’en tenir. Elle a si bien pris le temps de tout calculer qu’on se demande si elle n’a pas choisi pour adresser son ultimatum à la Serbie le moment où M. le Président de la République et M. le ministre des Affaires étrangères étaient absens, comme l’était d’ailleurs l’empereur d’Allemagne. L’Empereur est revenu ; MM. Poincaré et Viviani ne pouvaient qu’en faire autant. On a bien voulu les excuser à Copenhague et à Christiania où ils étaient attendus : ils iront plus tard visiter des peuples et des souverains amis. En ce moment leur devoir, et le plus impérieux de tous, était pour eux d’être à Paris. M. le Président de la République y a été accueilli par des démonstrations très chaudes. La foule qui l’attendait à la gare a crié : « Vive la France ! vive l’armée ! vive la Russie ! vive l’Angleterre ! » Tout cela est significatif. Ce qui l’est encore davantage, c’est l’ordre du jour qui a été voté par le groupe radical et radical-socialiste de la Chambre des députés. Ses membres présens à Paris se sont réunis. On ne saurait les accuser de chauvinisme, de militarisme ; ils ont donné d’abondantes preuves de leur esprit pacifique et même pacifiste. Ils ont déclaré néanmoins, à l’unanimité, que « reconnaissant la fermeté et la sagesse du gouvernement de la République dans les circonstances extérieures actuelles, ils se solidarisaient étroitement avec lui dans un sentiment de patriotique