Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/708

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ex cathedra la Constitution civile du clergé. Les contemporains, un homme aussi peu suspect que l’abbé Maury, s’en sont étonnés quand ils ne s’en sont pas scandalisés. M. Albert-Petit, lui, trouve ces retards tout naturels. Il prétend que le Pape a fait connaître son avis dès le début. « Les dates parlent d’elles-mêmes. Dès le 29 mars 1790, dit-il, le Pape a protesté contre les innovations religieuses en France, mais en consistoire secret. » Or, le 29 mars 1790, la Constitution civile, non seulement n’était pas votée, mais sa discussion n’était pas commencée, et voilà comment les dates parlent d’elles-mêmes. Or, l’allocution consistoriale du 29 mars 1790 visait beaucoup moins l’œuvre religieuse de la Constituante, alors à peine ébauchée, que son œuvre politique. Ce que le Pape condamnait surtout, c’était la déclaration des droits, la liberté de penser, la tolérance religieuse, la souveraineté du peuple, l’égalité civile des dissidens et des catholiques. Jusque dans les brefs de condamnation de la Constitution civile du clergé, le Pape renouvellera la même censure de l’œuvre politique de la Constituante. Il lui reprochera d’avoir détruit l’obéissance due aux rois, il proclamera que la législation française était une monstruosité et il s’attirera de la part des évêques de France une protestation très ferme et très digne. Dans leur réponse à ses brefs, ce sera leur honneur, les évêques de France se feront gloire de leur libéralisme en politique et prendront la défense de la liberté de conscience et de la tolérance. Ces motifs tout politiques de l’opposition de Pie VI, M. Albert-Petit les a tout simplement passés sous silence. A le lire, on croirait que le Pape n’a été inspiré que par des motifs religieux. Et c’est ainsi que M. Albert-Petit prétend me réfuter.

Mais, continuons. Le Pape, dit M. Albert-Petit, a prévenu le Roi, dès le 10 juillet, que la Constitution civile était schismatique. Mais cet avertissement était tout confidentiel. Si le Pape croyait réellement la Constitution civile schismatique, pourquoi consentait-il au même moment à en négocier diplomatiquement le baptême ? Pourquoi ne répondait-il pas clairement aux évêques scrupuleux qui le consultaient ? Pourquoi faisait-il, le 4 août, à l’évêque de Saint-Pol-de-Léon, la réponse ambiguë la plus décevante ?

Il est facile de jouer des dates. Si les derniers articles de la Constitution civile du clergé n’ont été votés définitivement que