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autorité spirituelle, on ne voit pas bien comment on pourrait prouver qu’il s’est trompé ni à quoi pourrait servir une pareille démonstration. « Le fait papal, » comme disait Brunetière, « est un fait qui s’impose, en dehors de toute approbation ou désapprobation. » Et M. Albert-Petit me raille doucement d’avoir eu la naïveté de « discuter théologie, — fût-ce rétrospectivement, — avec le Pape[1]. »

Le « fait papal, » pour parler comme mon contradicteur, n’est pas historiquement un fait absolu. Il a évolué du tout au tout depuis un siècle. En 1790, quand les Constituans votaient la Constitution civile du clergé, il n’était pas évident que le Pape, même en matière spirituelle, eût le droit de faire à lui seul le dogme et de l’interpréter, — à plus forte raison de trancher souverainement dans les matières de discipline et les matières mixtes comme étaient celles qui étaient en jeu. Le Concile du Vatican n’avait pas encore proclamé l’infaillibilité ! M. Albert-Petit, qui professe pour la théologie un si grand respect qu’il s’incline à l’avance devant tous ses arrêts, sans les examiner, aurait dû comprendre qu’il est ridicule de juger, au nom de la théologie actuelle, des conflits qui se posaient il y a un siècle devant un droit ecclésiastique tout différent ! S’il était tant soit peu familier avec l’histoire du catholicisme, il n’aurait pas écrit ces lignes qui témoignent d’une candeur vraiment trop ingénue.

Je suis obligé d’y insister, car c’est là que porte tout le malentendu. Si l’historien n’a pas le droit de rechercher les raisons, toutes les raisons des décisions pontificales, s’il n’a que le devoir de s’incliner devant elles et s’il lui est interdit de ne pas croire en tout et toujours les papes sur parole, — il n’y a plus d’histoire, il n’y a plus d’autre histoire religieuse possible que celle qu’il plaira aux papes de faire écrire.

« La question de la Constitution civile, » comme dit dans son français M. Albert-Petit, était si peu de celles dont le chef de l’Eglise avait évidemment le droit de se croire souverainement juge, que la grande majorité des évêques français avait demandé à la Constituante, par l’organe de l’archevêque d’Aix,

  1. Cette phrase pour être comprise a besoin d’une explication. Dans le texte adressé d’abord à la Revue, M. Mathiez donnait de ce papisme intempérant une explication profonde : « Cela n’a rien d’étonnant, puisque M. Albert-Petit n’est pas catholique. » Charitablement averti de sa bévue, M. Mathiez a coupé l’argument ( ? ), mais maintenu l’argumentation. A. A-P.