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Pour le même motif il est probable que l’hypothèse faite quelquefois et d’après laquelle il y aurait dans le ciel beaucoup plus d’étoiles éteintes et obscures que d’étoiles brillantes est inexacte.

Par les mêmes procédés Poincaré s’est proposé de calculer quelle était la probabilité pour qu’il y ait rencontre et choc entre deux étoiles éloignées. Il a trouvé qu’on ne devait pas s’attendre à constater une telle rencontre en un milliard d’années. Or, tout le monde sait qu’on a observé souvent dans le ciel des Novæ, étoiles nouvelles qui brillent soudain et pendant quelque temps d’un vif éclat, à un point du firmament où il n’y avait auparavant que des astres faibles. Une des théories les plus en vogue des Novæ est qu’elles seraient dues au choc de deux étoiles et à l’augmentation formidable de température qui en résulte. Le calcul de Poincaré constitue pour cette hypothèse une sérieuse pierre d’achoppement.

Enfin, considérant la forme aplatie de la Voie lactée, Poincaré s’est demandé si elle n’était pas due à la rotation de l’ensemble, de même que le renflement équatorial de la terre, des planètes, ou de toute masse fluide en rotation. Nous n’aurions d’ailleurs aucun moyen de constater directement si la Voie lactée tourne ou non. Il a trouvé ainsi que sa vitesse de rotation maximum ne peut être que de 1 cinquième de seconde d’arc par siècle, ce qui correspondrait environ à un tour complet en 500 millions d’années.

Toutes ces considérations de l’illustre mathématicien sont du plus haut intérêt. Elles nous enseignent comment l’infiniment petit peut nous éclairer sur l’infiniment grand, et elles illustrent de la façon la plus moderne et la plus saisissante la profonde pensée de Pascal. Elles reposent d’ailleurs sur des hypothèses dont certaines ne sont qu’approximativement exactes, comme celle de l’indifférence des mouvemens propres galactiques qui n’existe pas, comme l’a démontré Kapteyn. Mais cela n’enlève pas grand’chose, en ce qui concerne l’ordre de grandeur, aux résultats qu’elles indiquent.

Il est d’ailleurs un des points particuliers de cette assimilation poincariste de la Voie lactée à un gaz qui éclaire d’un jour singulier l’une des constatations expérimentales que nous avons signalées ci-dessus. Poincaré lui-même ne l’avait point remarqué, ni aucun de ses commentateurs, et c’est pourquoi je crois devoir l’indiquer ici sans y attacher la moindre vanité d’auteur. La théorie des gaz montre que les molécules les plus grosses doivent avoir les plus faibles vitesses et les molécules les plus petites les vitesses les plus grandes. Cela est assez naturel et évident a priori. Pareillement les étoiles les plus petites