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année à l’autre est d’ailleurs prodigieuse et pendant des siècles même on l’a crue insensible. La permanence de la forme des constellations depuis l’origine des temps historiques suffit à prouver cette immobilité presque absolue des étoiles et explique le mot « fixes » dont on les qualifia si longtemps. Cette apparente fixité s’accordait fort bien avec l’idée scolastique de la sphère matérielle sur laquelle les étoiles avaient été clouées par quelque dieu artiste. Il fallait que cette sphère fût solide : Aristote avait énoncé en effet que la solidité était un attribut attaché à la noblesse de sa nature et il eût fallu être bien difficile pour ne pas être persuadé par cet argument. Solide et transparente elle ne pouvait être qu’en cristal. Lorsqu’on découvrit que le Soleil et les planètes n’ont pas les mêmes vitesses de rotation apparente que les étoiles, il fallut imaginer pour les y accrocher un grand nombre d’autres cieux de cristal, dont le septième, on n’a jamais su pourquoi, fut tenu pour être le siège de félicités extraordinaires. Par où l’on voit que le cristal ne coûtait guère aux anciens philosophes. Le chanoine Copernic ayant d’une chiquenaude brisé avec fracas toute cette cristallerie céleste, seul le ciel des étoiles paraissait avoir gardé jusqu’à ces derniers temps une rigidité immuable. Hélas ! il a bien fallu qu’il y passe lui aussi, et cède à la mobilité, au changement qui n’épargne rien ici-bas… ni là-haut.

Trois causes principales déplacent légèrement les étoiles les unes par rapport aux autres. La première est le mouvement annuel de la Terre autour du Soleil. Une comparaison fera aisément comprendre pourquoi. Supposons que je place mon doigt immobile à quelques centimètres devant mon visage en fermant un œil ; de l’autre œil, je verrai mon doigt se projeter à un certain endroit du mur de la pièce où je fais cette expérience, sur une des fleurs de la tapisserie dont je suppose cette pièce ornée. Si, tout en restant immobile, j’ouvre au contraire l’autre œil et ferme le premier, je verrai mon doigt se projeter sur une autre fleur de la tapisserie et à une certaine distance de la première. Il est facile de voir que cette distance sera d’autant plus grande que mon doigt sera plus près de mon œil, et plus éloigné de la tapisserie. Or supposons que j’appelle parallaxe de mon doigt l’angle ayant pour sommet mon doigt, et sous-tendant mes deux yeux, ou les deux fleurs considérées (ce qui est le même angle), supposons que celles-ci soient des étoiles très éloignées, mon doigt une étoile rapprochée, et mes deux yeux, les positions de la Terre autour du Soleil à six mois d’intervalle, et on aura compris que la parallaxe annuelle des étoiles, due au mouvement de la Terre, paraît déplacer périodiquement