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professeurs anglais matériellement incapables, de par leur origine, de s’assimiler un système juridique aussi foncièrement différent du droit anglais que l’est le droit napoléonien et latin. Et il faut ajouter que l’on a même dû, pour comble d’illogisme, instituer à la section anglaise des cours de français pour mettre ses étudians en mesure d’aborder la lecture des indispensables ouvrages de droit français 1 Mais il fallait que l’Angleterre affirmât sa mainmise sur cette pépinière d’administrateurs, de magistrats et de fonctionnaires ; et elle a brutalement refoulé le seul enseignement qui fût vraiment adapté aux besoins des étudians. De par la volonté britannique, nous sommes donc passés là au second plan. A sa décharge on peut dire, il est vrai, qu’elle a consenti à nous laisser vivre. Il semble même, depuis deux ans, qu’elle fasse preuve de quelque bonne volonté pour empêcher la section française de mourir tout à fait. Il faudrait ‘lui en savoir gré s’il ne semblait, d’autre part, se préparer un coup beaucoup plus rude et dont, s’il était vraiment porté, nous ne nous relèverions peut-être pas.

Il s’agit, cette fois, d’une réforme capitale, que médite l’Angleterre : je veux parler de la réforme des tribunaux mixtes, dont la portée pourrait être infiniment plus considérable qu’elle ne le paraît.

En dépit de leur composition internationale, ces tribunaux ont, depuis trente ans, remarquablement fonctionné. Ils ont été si appréciés que les indigènes eux-mêmes s’ingénient souvent à trouver le moyen de relever de leur compétence. C’est que, en Egypte, ils ont fait régner la justice ; nul ne peut le nier ; et ainsi, en donnant confiance aux capitaux d’Europe, ils ont-permis au pays de s’engager dans les voies où il a trouvé une nouvelle et étonnante fortune. Quand l’Angleterre veut aujourd’hui porter la main sur eux, elle est évidemment dans son rôle, et la France, qui a librement consenti à son établissement aux bords du Nil, ne saurait lui savoir mauvais gré de ses efforts. Mais encore faut-il que la réforme méditée ne dépasse pas le but, et n’aille pas, sans besoin réel pour l’Angleterre, compromettre les énormes intérêts moraux que l’accord de 1904 nous a explicitement reconnus.

Que l’Angleterre, donc, cherche à transformer la justice mixte dans ce qu’elle a d’imparfait et de suranné ; que, pour accroître son prestige, elle trouve le moyen d’atténuer le