Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/671

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ceux qui se destinent aux fonctions publiques. Cette réforme était très demandée par le parti nationaliste égyptien : un des hommes d’État égyptiens le plus ouvertement favorables à ce parti, Saad pacha Zaghloul, fit de grands efforts pour la faire admettre, et l’Angleterre y a consenti.

Au premier abord, la chose paraît assez naturelle. Et cependant, certains Français d’Egypte se demandent si cette mesure n’est pas une manœuvre destinée dans un avenir prochain à renforcer l’enseignement anglais. Si les Anglais sont sincères, dit-on, en accordant cette réforme, ils commettent une grande erreur, qui consiste à penser qu’on peut, en arabe, enseigner les sciences modernes, car, pour des raisons diverses, c’est pratiquement impossible. Ou bien, alors, c’est une tactique ; car, quand on aura échoué, quand la preuve sera faite de l’impuissance de la langue nationale en face des nécessités de l’enseignement d’aujourd’hui, on passera à l’introduction pure et simple de l’enseignement en anglais, et l’on aura ainsi atténué la transition. Mais en vérité, le calcul que l’on prête ainsi au gouvernement britannique me semble trop subtil pour être exact. Peut-être est-il plus exact d’imaginer que l’Angleterre a voulu tout simplement faire une avance au parti national, tout en escomptant les entraves que la réforme mettrait à la diffusion de la science européenne parmi ses nouveaux sujets.

On n’a pas besoin, d’ailleurs, de recourir à ces hypothèses compliquées, pour saisir sur le fait des preuves d’hostilité contre notre langue. L’histoire de l’École khédiviale de Droit dans ces dernières années en est l’exemple le plus saisissant :

Créée par les Français pour enseigner en français ce droit mixte égyptien d’inspiration française dont j’ai déjà eu à dire quelques mots, cette École khédiviale a vu, dès 1899, sur les instances de l’Angleterre, s’ouvrir chez elle une section d’enseignement en anglais ; et, depuis 1904, tous les efforts ont tendu à avantager et à développer celle-ci. On y a admirablement réussi. Découragé et harcelé par l’administration anglaise, le directeur, qui était resté un Français, démissionna en 1907 et fut remplacé par un Anglais. La section française, aujourd’hui, recrute péniblement et seulement grâce au contingent d’élèves que s’efforcent de lui envoyer nos Frères et nos Jésuites, le nombre d’étudians qui lui est nécessaire pour vivoter. Pendant ce temps, la section anglaise regorge d’élèves qu’instruisent des