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J’arrive à la question, bien plus essentielle, de l’attitude de l’administration anglaise, car notre avenir peut, en une assez large mesure, dépendre de ce qu’elle est et de ce qu’elle sera.

En principe, la France a pris ses précautions : ses droits politiques et administratifs sur l’Egypte, elle les a abandonnés à l’Angleterre ; mais elle a entendu conserver son patrimoine moral et sa prééminence intellectuelle. C’est pourquoi l’accord de 1904 déclare expressément que les écoles françaises seront maintenues en Egypte. Mais la garantie pourrait devenir illusoire. Le texte d’un traité ne vaut guère qu’en raison de la bonne volonté des parties, et l’on peut lui faire produire des effets bien divers. En l’espèce, on peut respecter la lettre de l’accord, mais saper par-dessous la situation de ces écoles, entraver leur fonctionnement, faire sur les indigènes une pression plus ou moins occulte pour les en détourner. Mille moyens s’offriraient à un gouvernement bien décidé à se débarrasser de nous.

Or, comment se sont comportés les Anglais en cette matière ?

Il est certain qu’il y a eu des symptômes de dispositions malveillantes, et qu’il s’est produit, grâce à elles, un recul de la situation occupée par le français dans l’enseignement officiel. Ainsi, un des premiers actes du gouvernement anglais, dans cet ordre d’idées, a été de supprimer les sections françaises (c’est-à-dire celles où l’enseignement était donné en français) dans les écoles primaires officielles. A la lettre on respectait les termes de la convention : on s’était engagé à conserver les écoles françaises, et non l’enseignement en français dans les écoles gouvernementales. Mais est-il bien sûr que c’était là ce qu’avaient voulu nos négociateurs ? — Cette suppression a tari naturellement le recrutement des sections françaises des écoles secondaires égyptiennes, qui se sont ainsi éteintes d’elles-mêmes.

Les Anglais ont, il est vrai, plus récemment, pris une mesure qui parait rétablir, en principe, l’égalité entre les deux langues. Au lieu d’enseigner en anglais, dans les écoles secondaires, comme cela avait lieu, le gouvernement a décidé d’admettre la langue nationale, — l’arabe, — comme langue normale d’enseignement. L’anglais est donc maintenant simplement considéré comme une langue vivante que l’on peut apprendre dans ces écoles, au même titre que le français, avec cette différence que la connaissance de l’anglais sera obligatoire pour tous