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tout le monde crut que c’en était fait de notre influence en Egypte et que l’attraction de l’anglais serait irrésistible. Déjà, au lendemain de Fachoda, il y avait eu, vers les sections anglaises des écoles gouvernementales, comme une ruée des indigènes. Cela n’a pas duré pourtant, et n’a pas gagné en profondeur, je l’ai déjà dit, en constatant l’accroissement du nombre de nos élèves. Il serait excessif, toutefois, de prétendre que notre situation est tout à fait la même. L’obligation de savoir l’anglais pour entrer dans les administrations publiques, le désir, chez ceux qui veulent « faire leur chemin, » de se concilier les bonnes grâces des occupans, poussent à coup sûr des Egyptiens, qui jadis seraient venus en France, à aller conquérir les diplômes d’Oxford ou de Cambridge. Mais enfin, d’une façon générale, les écoles anglaises ne sont pas pour nous les rivales que, en bonne logique, elles auraient dû être. On voit même, par exemple, à Alexandrie, ce spectacle paradoxal d’un grand établissement d’enseignement secondaire anglais — le Victoria Collège — dont le déclin est visible et qui perd ses élèves au profit du Lycée français ou des Jésuites. La seule concurrence vraiment sérieuse de la langue anglaise provient des écoles des Missions protestantes américaines. Très riches, admirablement installées, offrant des avantages matériels à ceux qui viennent chez elles, ces missions ont su, particulièrement dans les districts de la Haute-Egypte, s’attirer une clientèle très nombreuse, puisque leurs écoles sont fréquentées par plus de 12000 élèves. Leur action est seulement bien moins importante qu’on ne serait tenté de le penser, parce qu’elles n’ont que des écoles exclusivement primaires, — souvent même de véritables crèches ou garderies, — et qu’elles se recrutent à peu près uniquement dans la basse classe. Cela assure bien certes une certaine diffusion à l’anglais, et c’est pourquoi, en Haute-Egypte, les bandes d’enfans qui tourbillonnent autour du touriste en l’assassinant de leurs demandes de bakchich, lui décochent des « Good by, milord » au lieu du « Bonjour, messie lé baron, ou messie lé comte » que l’on entend auprès des Pyramides. Mais cela ne va pas plus loin. Les missions américaines ne sont pas une pépinière d’élèves pour l’enseignement secondaire anglais : et, jusqu’ici tout au moins, elles restent sans action profonde, parce qu’elles n’atteignent pas la classe aisée, — la seule dont, dans ces pays, l’influence compte encore.