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compensations. On ne peut donc pas offrir à un instituteur moins de 350 à 400 francs par mois, avec, en outre, quelques facilités ou indemnités pour revenir en France, au moins tous les deux ans, L’entretien d’un Frère, au contraire, est peu onéreux ; il ne dépasse pas 125 francs par mois et il n’est pas question de vacances en Europe. Même à égalité d’esprit de sacrifice ou de dévouement, cela suffit à trancher la question : l’école primaire française, en Egypte, à part quelques très rares exceptions, est et restera forcément congréganiste.

Malheureusement, un grave problème commence à se poser, qui inquiète fort et les Frères et tous ceux qui s’intéressent, là-bas, à la vie de leur œuvre si française. C’est le problème du recrutement des maîtres. La loi sur les Congrégations commence à porter des fruits imprévus et qu’on pourra trouver amers. Les Frères dispersés, les maisons-mères de la métropole fermées, comment pourrait-on espérer pourvoir à l’entretien régulier des effectifs des missions d’Orient, ou d’ailleurs ? La puissance d’attraction des Ordres devait forcément s’affaiblir avec l’éloignement de leurs noviciats et de leurs établissemens. On le voit bien maintenant. Quelques années à peine ont passé, et déjà les Frères français sont obligés, pour combler les vides, de faire appel à des novices italiens ou autres. Mais comment espérer que ces nouveaux élémens travailleront, même s’ils le veulent franchement, ce qui est douteux, à développer l’influence française aussi ardemment que l’ont fait leurs aînés ? Et ne sommes-nous pas menacés par-là de voir peu à peu dévier, au profit de nos rivaux italiens, notre œuvre séculaire ?

Sans doute le danger n’est pas imminent ; la source qui alimente en maîtres nos écoles d’Egypte et d’Orient n’est pas tout à fait tarie. Mais il importe de trouver un moyen de raviver le flot. Car il serait d’un illogisme par trop absurde de s’évertuer, comme on le fait, à entourer de soins les rameaux lointains d’un arbre dont on aurait, par ailleurs, plus qu’à demi abattu le tronc. On sait, en effet, que le gouvernement français, en Egypte et dans les autres pays orientaux, est loin d’avoir renoncé à soutenir les œuvres des religieux. La collaboration est très effective et très cordiale. Il ne faut pas s’en étonner, ni, au fond, trop accuser nos gouvernans d’inconséquence. On ne peut même pas dire qu’ils consentent, par application du mot connu, à rester exportateurs de cléricalisme. A vrai dire, il