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la complète impartialité que lui donnait l’absence de toute inquiétude personnelle pour l’avenir du sien. J’irai même jusqu’à dire qu’on peut, en ce moment, assister à une véritable coordination d’efforts, et à une triple entente entre les Jésuites, les Frères et le lycée d’Alexandrie pour arriver à la constitution d’une Ecole Supérieure de Commerce.

Somme toute, il n’est pas question, là-bas, de lutte entre les Congrégations et la Mission laïque. Ceci ne songe pas à tuer cela. On voit maintenant qu’il y a place pour tous. De part et d’autre, on cherche simplement à servir la cause de la France, et c’est là un résultat extrêmement heureux.

Ceci posé, il faut d’ailleurs bien remarquer qu’à certains égards, les établissemens congréganistes ne peuvent pas être remplacés, et qu’il y a un domaine dans lequel nul partage d’influence ne semble possible. C’est le domaine de l’enseignement primaire. Les conditions dans lesquelles celui-ci doit être donné sont, en effet, presque exclusives de l’emploi des laïcs. Il ne s’agit plus, comme pour les études secondaires, de concentrer les efforts sur quelques établissemens fondés dans de grandes villes, et où, au surplus, ces efforts se trouvent allégés, sinon même rémunérés largement, par les frais de scolarité que l’on peut aisément exiger de la clientèle bourgeoise à laquelle on s’adresse. L’enseignement secondaire s’adresse à une élite. Le primaire au contraire n’a de raison d’être et ne vaut comme instrument d’influence que s’il s’adresse à la masse. De toute nécessité donc, il faut que les écoles où il se dispense soient nombreuses, et qu’elles soient, dans une large mesure, gratuites. Il ne s’agit pas davantage de se borner aux localités où la résidence est toujours agréable, parce qu’il y a des Européens et même une véritable société française d’origine. Non. Il faut aller dans les petites villes du Delta ou même de la Haute-Egypte torride. Pour ce dur métier d’instituteur perdu parmi les populations indigènes, il n’est guère possible de trouver d’autres hommes que des religieux. L’Alliance Française d’Egypte en a fait l’expérience : elle avait essayé de fonder quelques écoles primaires laïques. Elle a dû les fermer, ou les rétrocéder aux Frères de la Doctrine Chrétienne. Le point de vue financier à lui seul suffirait à expliquer cet échec. La vie est chère en Egypte ; et, à qui s’expatrie, dans ce pays surtout, où six mois par an le climat est plutôt dur, il faut bien donner quelques