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tenaient leur journée franche. L’affaire était resplendissante. Le soleil qui tombait sur Lille et l’oriflamme victorieuse qui flottait au vent du soir pouvaient se contempler face à face, tous les deux, sur le plateau de Bouvines.


Le trajet de retour, de Bouvines-en-Puelle à Paris, fut triomphal. En n’acceptant que pour moitié l’intensité des descriptions qui en demeurent, il reste qu’un accès d’enthousiasme, qui ressemblait à une joie nationale, transporta les villes, les bourgs et les campagnes.

C’était l’été, la saison des longs jours, sous le ciel picard et de l’Ile-de-France. L’armée qui rentrait avec le Roi défila de village en village, entre des branches vertes et des étoffes tendues, entre des clameurs et des chants. Renaud de Dammartin ne dépassa pas Péronne. Il y fut laissé prisonnier dans la grosse tour, celle où un comte de Vermandois, jadis, avait tenu enfermé le roi Charles le Simple. Ferrand de Flandre suivait son vainqueur, traîné dans un char à barreaux de métal. En approchant de Paris, on put apercevoir, au sortir des bois, sur la droite, la hauteur de Dammartin. Et l’oriflamme revit Saint-Denis, où le Roi, deux mois plutôt, comme comte français du Vexin, avait levé le traditionnel étendard. A Paris, un accueil éclatant : les étudians, les métiers, la foule. Un sentiment commun relie décidément les hommes de France qui vivent à l’abri de l’ordre capétien.

Lorsque Ferrand de Flandre, qui comptait posséder le Louvre, y fut entré chargé de chaînes, lorsque Jean sans Terre eut signé la paix de Chinon, lorsque Frédéric de Hohenstaufen, quittant la retraite expectante où il a attendu la fin de la lutte, eut été couronné solennellement à Aix-la-Chapelle, les résultats de la victoire se dessinent et se développent.

Le danger d’un dépècement de l’Etat capétien est totalement écarté. La France telle que l’a réalisée Philippe-Auguste, avec l’annexion du domaine continental des Plantagenets, est désormais une France faite.

L’empereur Othon, Cologne perdue après Aix-la-Chapelle, réduit à la portion de ses États propres qui lui demeurent en Brunswick, y rentre sans gloire pour y mourir quatre ans plus tard. Alors Frédéric de Hohenstaufen, créature du Saint-Siège,