Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/647

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien dans le désordre brusqué d’une formation défensive, en tout cas vouées d’avance à la défaite. Détrompés à l’aspect de l’ordonnance des forces qu’ils trouvent devant eux, ils sont contraints de s’aligner à leur tour, en façonnant à l’improviste leurs dispositions de batailles et leurs fronts.

Le comte de Flandre et les Flamands, ceux dont s’inquiétait spécialement Philippe-Auguste, grosse division qui sans doute s’avançait en tête de l’armée coalisée et sur qui elle avait pivoté en changeant de direction, forment sur place l’aile gauche des alliés : ils sont déjà aux prises avec le duc de Bourgogne. ! L’Empereur, obliquant au Nord-Ouest, vient composer le centre avec les Allemands, face au roi de France. Plus au Nord-Ouest encore se développent les Anglais du comte de Salisbury, aile droite des coalisés. Renaud de Dammartin prend place à côté d’eux. Ils s’opposent à l’aile gauche des Français, où figurent les princes de la maison de Dreux.

Ainsi, sur le plateau découvert, se préparent et s’étalent, aux environs de deux heures, les deux armées adverses, avec la route de Tournai à Bouvines les traversant de biais. La direction générale des lignes semble bien celle du Sud-Est au Nord-Ouest, presque symétriquement de part et d’autre du grand chemin.

L’ordre de bataille se trouve même établi avec un certain symbolisme impressionnant.

Aux deux centres, les deux chefs d’Etat. Philippe-Auguste, auprès de lui, entre autres, range ce qu’on pourrait appeler la « maison du Roi, » les « sergens » de sa garde et les « chevaliers » de sa suite personnelle. Parmi ces combattans divers, le sire de Coucy, Guillaume des Barres, le héros du pont de Château-Gaillard, réputé l’athlète le meilleur de son temps, et Gérard la Truie, le cavalier bien monté qui était apparu au galop devant l’église de Bouvines, au seuil de l’ombre du frêne. Les communes, accourues en hâte de l’autre rive de la Marque, ont leur place, réglée par la coutume, au-devant du poste du roi de France. Avec elles, selon l’usage et le rite, se tient l’oriflamme. L’Empereur a groupé autour de lui ses Guelfes, avec quatre comtes allemands, Conrad de Dortmund, le futur comte du Voxin, Gérard de Randerath, possesseur désigné du Gàtinais, Bernard de Hortsmar et Othon de Tecklenburg. Le duc de Lorraine et les princes des Pays-Bas sont là. Par-devant, s’allonge