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entre les assistans, de simulacre de la sainte Cène : le Roi partageant le contenu de sa coupe avec ses chevaliers, et les bénissant ensuite. Jamais non plus, entre le prince et ses barons, n’est intervenu l’épisode fabuleux de l’oblation de la couronne : Philippe-Augusto, plein d’humilité et de scrupules, offrant son insigne royal au plus digne, s’il se croit mieux fait que lui pour commander les combattans. Le chef qui tenait ce jour-là en main les destinées françaises avait une autre notion de son rôle, de ses devoirs et de ses droits.

Les communes, cependant, déjà de l’autre côté du pont, peut-être installées à la halte de midi, sont rappelées en toute hâte avec l’oriflamme. Toute cette infanterie fait volte-face et va prendre position. Le Roi et le centre sont déjà sur la route, poussant ferme au secours du corps d’arriêre-garde déjà vivement pressé par l’ennemi.

C’est l’armée ennemie tout entière, en effet, qui mord en vitesse sur le plateau de Bouvines. Elle n’est pas entrée à Tournai. Elle n’a pas même abordé les faubourgs de la ville. Elle a quitté le chemin venant de Mortagne, elle a biaisé par des voies secondaires, elle a passé le ruisseau de la Barge et rejoint la route de Tournai à Bouvines sur les talons de l’arrière-garde française. Elle continue maintenant vers le pont, en suivant la ligne générale de cette route, et en refoulant par attaques successives la troupe tenace et manœuvrante qui essaye de faire tête et de l’arrêter.

Quand le Roi et les communes, marchant en sens contraire, s’alignent sur le plateau, les formations de combat se prennent de part et d’autre. Il semble bien que les Français, renseignés sur la situation et sachant clairement ce qu’ils voulaient faire, aient été prêts les premiers.

Le corps du duc de Bourgogne, qui naguère protégeait la retraite, ayant opéré un changement de front complet sur le plateau même, se trouve constituer l’aile droite de l’armée capétienne. Le Roi, arrivant d’un trait de Bouvines, avec la masse qu’il amène, s’appuie sur elle, et forme le centre, en déployant l’aile gauche vers le Nord-Ouest.

Les alliés étaient fondés à croire qu’après l’écrasement du duc de Bourgogne et du comte de Champagne, ils allaient trouver, aux approches du pont, le gros des colonnes françaises, encore en mouvement rétrograde et leur présentant le dos, ou