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j pas supérieurs à ceux de sa maison. Othon, fils de Mathilde, neveu de Richard d’Angleterre et affectionné par son oncle, avait porté quelque temps le titre de comte de Poitou, et même, peut-être, celui de duc d’Aquitaine. Et l’on racontait que Philippe-Auguste, un jour, lui avait dit en riant que s’il parvenait jamais à faire prévaloir ses droits à l’empire, il lui donnerait Paris, Etampes et Orléans.

C’était un prince de trente-deux ans, robuste et cultivé, disent les chroniques anglo-normandes, généreux, entêté, imprudent, plein de courage et de charme, un prince presque français.

La couronne impériale lui était venue, très jeune, comme chef de la race et de la faction des Guelfes. A la mort prématurée de Henri VI, fils de Barberousse, il avait été l’empereur du Saint-Siège et du « parti de Cologne, » tandis que Philippe de Hohenstaufen, excommunié, frère du souverain disparu, continuait avec vigueur la dynastie gibeline dans l’autre moitié des Allemagnes. A la disparition de Philippe, il s’était trouvé seul maître. Rome, sa protectrice, s’en était vite aperçue à la brusque rudesse de sa politique italienne. Alors, péripétie déconcertante, c’est contre le Guelfe que le Pape lance ses foudres, et un Gibelin qu’il va chercher en Sicile pour l’opposer à son pupille d’hier. Frédéric, fils de l’empereur Henri VI et de l’héritière de Naples, Frédéric de Hohenstaufen, le futur ennemi juré du nom romain, Frédéric II, pour tout dire, débute sur la scène du monde comme prétendant du pontife et comme défenseur de saint Pierre.

Gibelins d’Allemagne et d’Italie, comme aussi les purs partisans du Saint-Siège, lui assuraient déjà, au moment de l’entreprise de Boulogne, des chances prononcées, qui s’augmentaient chaque jour. Contre son rival Othon, neveu des Plantagenets, l’appui du Capétien lui était acquis d’avance. Sur la frontière du royaume et du Barrois lorrain, à l’automne de 1212, il avait rencontré le prince héritier de France. Le Hohenstaufen, attendu à Francfort pour la Diète, s’engage à ne pas traiter avec son compétiteur sans le consentement de son allié Philippe-Auguste. Ce pacte se concluait à Vaucouleurs. Le, Français, par ailleurs, payait au candidat impérial, pour frais électoraux, une somme de vingt mille marcs.

L’empereur Othon, l’élection faite, n’était plus qu’une