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palais de la Cité, comme des noces princières françaises.

Ferdinand de Portugal, devenu Ferrand, comte de Flandre, prenait possession d’un comté difficile. Déjà, trente ans plus tôt, le pays d’Artois, dot d’Isabelle, avait grossi le domaine du roi de France. Philippe-Auguste en avait donné l’administration à son fils Louis, représentant de sa mère. Maintenant, aux nouveaux et jeunes époux mariés au palais de Paris, il exigeait, comme courtage de leur union, la cession des villes de Saint-Omer et d’Aire, dépendances revendiquées de la terre dotale d’Arras. En passant leur frontière, en arrivant chez eux, Jeanne et Ferrand trouvent le prince Louis, mari de Blanche de Castille, installé déjà dans les deux places. Ils subissent ce dommage, sans l’oublier. Aussi lorsque Philippe, l’an suivant, prépare sa descente en Angleterre, Jean sans Terre, en quête d’appuis continentaux, trouve dans le comte de Flandre une rancune que l’offense prépare tout naturellement à l’action. Ils négociaient déjà depuis plusieurs mois, lorsque l’assemblée de Boulogne se précise. Appelé à y participer comme vassal du roi français, Ferrand se récuse publiquement et devant tous, si les villes d’Aire et de Saint-Omer ne lui sont restituées. Sommé de plus près, il s’obstine et se retire. Quand Philippe-Auguste l’aura attaqué dans son fief sans pouvoir l’en chasser, il offrira aux coalisés la Flandre et le Hainaut comme champ de manœuvre et de liaison.


À cette association d’intérêts, à cette espèce de firme anglaise et flamande, Othon, empereur allemand, apportait le lustre de son titre et toutes les forces de la région rhénane, où il maintenait encore sa souveraineté contre les progrès de son adversaire germanique.

L’empereur Othon, que sa désignation habituelle et discutable désigne généralement sous le nom d’Othon de Brunswick, se trouve quelquefois représenté comme une façon de reître maudit de l’Eglise pour ses crimes. Ce point de vue demande à être sensiblement modifié.

Il était né en Normandie, au château d’Argentan, de Mathilde Plantagenet, fille d’Éléonore d’Aquitaine, et du roi d’Angleterre Henri II. Son père était le brillant et intrépide chevalier d’Allemagne, chef de la maison guelfe, Henri le Lion, rival des Hohenstaufen impériaux, dont les titres n’étaient