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plus injurieuses que les françaises, pour ce roi compromettant qui leur fait tort devant l’histoire.


Son allié, le comte de Flandre, représentait la coopération précieuse qui pouvait menacer le plus efficacement l’ascension capétienne.

La question flamande pesait de tout temps, et d’un poids singulièrement lourd, sur la politique des rois de Paris. Vassal direct des souverains de France, plus légalement français que Nancy, Grenoble ou Marseille, le comté de Flandre, riche et peuplé, dont un idiome germanique constituait le langage le plus parlé, composait certainement un Etat plus qu’un fief. L’Angleterre le surveillait de près. Le pacte occulte et impérieux de la Laine interdisait d’ailleurs aux deux pays de se passer l’un de l’autre. L’éleveur de moutons anglais vendait au tisseur flamand la matière nécessaire de son industrie. De tels associés ne pouvaient se nuire.

Depuis l’extinction relativement récente de la lignée masculine issue du gendre de Charles le Chauve, le titre comtal de Flandre passait de race en race. Marguerite d’Alsace, succédant aux droits de sa mère, avait porté la terre dans la maison de Hainaut, qui rendait hommage à l’Empire. Deux enfans nés de ce mariage furent Isabelle, première femme de Philippe-Auguste, et le rude conquérant qui fut comte à Valenciennes et à Lille avant d’aller prendre sur les rives du Bosphore la couronne orientale de Constantinople. Lorsque l’empereur Baudouin, premier successeur latin des Comnène, eut péri victime des Bulgares, après le désastre d’Andrinople, sa fille Jeanne, tout enfant, était devenue la dame convoitée du bel et double domaine qui s’étendait de Mons à Bruges. Elle grandissait à Paris, avec sa sœur puînée, sous la tutelle du roi de France. Il s’agissait de la marier à quelque prince influençable et docile. Philippe-Auguste crut avoir trouvé sa créature en la personne d’un étranger, rattaché par diverses alliances, dans une double garantie, et à la parenté de Marguerite d’Alsace, et à la maison de Castille d’où était sortie la princesse Blanche, femme de l’héritier du trône capétien. C’était Ferdinand de Portugal, fils cadet du roi Sanche le Populaire, protégé de sa tante Mahaud, comtesse douairière du comté flamand. Les noces se firent à Paris, l’hiver de 1212, dans la chapelle du