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qu’il a la vue basse et qu’il porte des lunettes. Tout républicain qu’il est, il trouve la nouvelle Constitution de la Belgique trop démocratique, déclare que tout ce qui se passe en France est illégal, et n’a d’autre désir que de voir le Roi de Rome monter sur le trône.

Sa femme est grande, et, quoiqu’elle ait eu douze enfans, encore fort belle. Elle a chanté fort mal un méchant air sur des couplets de sa façon : Les cyprès. La Reine a dû faire entendre, à son tour, les romances mises en musique par elle, il y a quelques années, pour le Roi de Rome sur des vers de la princesse. L’auteur des paroles en réclamait une qui avait été laissée de côté, comme trop mauvaise. La Reine a eu la présence d’esprit d’improviser un air dont Mme Lucien s’est déclarée satisfaite.

La princesse Hercolani a déclamé des scènes d’une tragédie dont son père est l’auteur. Sa taille et sa beauté prêtent à la représentation, mais sa manière de dire est sans grâce et les vers sont si médiocres que nous n’avons pu en applaudir qu’un seul :


La femme d’un tyran ne doit pas être mère


Elle a exigé que le prince Louis chantât. Contre notre attente, il a chanté juste ses deux couplets. J’ai dit que ce miracle était dû à la présence de la princesse et qu’il avait besoin de deux beaux yeux pour s’éclaircir la voix. La princesse Charlotte a répondu qu’alors son cousin ne devait jamais faire de fausse note en ma présence, car mes yeux bleus, avec mes cils noirs, sont très beaux et très doux.


13 novembre.

La Toscane n’a pas le plus beau climat du monde. On s’y plaint de l’humidité, on y souffre de maux de gorge, on y patine au mois de janvier, comme à Strasbourg ; c’est cependant une des plus agréables provinces de la péninsule, riche, bien cultivée, bien gouvernée. Le grand-duc et sa famille sont aimés ; certainement, ce n’est pas là que des troubles pourraient naître. Enfin, c’est de Florence que je voudrais être citoyenne, si je devais un jour vivre en Italie ; mais j’aurais de la peine à m’habituer aux théâtres comme on les pratique ici, c’est-à-dire à ne faire qu’entrer et sortir dans la salle du spectacle, pour s’y