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ce qui peut paraître étonnant, à qui connaît les mœurs italiennes.

Au premier coup d’œil, j’ai eu peine à concevoir le goût de lord Byron : la comtesse Guiccioli est petite, ses jambes sont trop courtes pour son buste, elle a des cheveux roux, des yeux qui n’ont rien de remarquable ni par la grandeur, ni par la couleur, et des joues plates qu’une coiffure à la vierge laisse trop découvertes. Mais je ne l’ai pas regardée un quart d’heure que je l’ai trouvée charmante : une belle poitrine, de belles épaules, une peau de satin blanc, des joues comme une feuille de rose, un nez, une bouche, un front, des sourcils parfaits. Le, profit de la Vierge au Donateur et une physionomie très expressive. La Reine, qui est très bon juge, dit que, de toutes les Italiennes qu’elle a connues, c’est la plus aimable, la plus instruite et la plus spirituelle. Elle l’a fait chanter : la comtesse a un contralto magnifique, une voix de théâtre, mais n’entend rien du tout à la musique.

D’autres visites se sont succédé : d’abord le vicomte et la vicomtesse Normanby, le premier, grand, beau, spirituel auteur de plusieurs romans traduits en français, Mathilde, ou les Anglais en Italie, — le Oui ou le Non, etc. ; elle, jolie, agréable, d’une conversation vive et amusante. Puis le duc de Dino, brouillé avec sa femme et avec son oncle, M. de Talleyrand. Enfin le prince Gortchakof, ministre de Russie, homme froid et laid, mais adroit et fin ; il venait recommander à la Reine deux princesses russes qui passent l’hiver en Italie et que nous rencontrerons à Rome.

L’arrivée de la princesse Hercolani a fixé l’attention de tout le monde. Née d’un premier mariage de la princesse de Canino, elle est veuve à vingt ans d’un prince bolonais. C’était un capitaine Hercolani qui commandait à Pavie l’escadron par lequel François Ier fut fait prisonnier. Ses gens avaient tué le cheval du Roi, ils allaient le tuer lui-même ; Hercolani les arrêta, et fut fait gentilhomme pour ce geste avisé.

La Princesse, qu’on dit irréprochable dans sa conduite, promène ses succès de Rome à Florence. Sa figure, son port, sa démarche sont parfaitement réguliers et majestueux ; elle a l’embonpoint et la fraîcheur de cette première jeunesse, dont l’éclat remplacerait la beauté, si elle n’y était pas.réunie, des cheveux, des sourcils, des cils d’un noir de jais, les yeux à l’avenant, le teint blanc et rose d’une blonde. Elle allait à un