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abdiquant en faveur de son fils et laissant la régence à la reine Hortense, la Hollande entière reconnut le jeune souverain ; mais ce règne fut de courte durée. L’Empereur ayant décidé de réunir la Hollande à la France, chargea le général de Lauriston de ramener à Paris le grand-duc de Berg.

Les années qui suivirent furent pour la Reine les meilleures de sa vie ; elles eurent, hélas ! pour lendemain la catastrophe de 4815 et, pour suiie, l’exil, avec la perte de tout ce qu’elle avait aimé. Le roi Louis, mis en possession de son fils, lui donna pour maîtres M. Vieillard, capitaine d’artillerie et élève distingué de l’Ecole polytechnique, le colonel Armandi, ancien officier du royaume d’Italie, l’abbé Paradisi, savant remarquable, d’autres encore, qui n’ont fait que passer, l’humeur du Roi étant changeante en éducation comme en tout. Heureusement le jeune prince était de ceux qui s’instruisent d’eux-mêmes et qui vont à la science par une pente naturelle. Il noua des relations avec des savans et des littérateurs de Florence et de Paris. Pierre Giordani, Niccolini le tragique, Gazzeri le chimiste, tous hommes d’un savoir éminent, furent ses correspondans et ses conseillers. Mais il était bien impossible que son attrait pour l’étude le rendit étranger aux aspirations politiques de l’Italie. L’aurait-il voulu,.et ne se serait-il pas senti l’héritier italien de la pensée impériale, que les patriotes n’en seraient pas moins venus à lui, charmés à la fois par sa séduction personnelle et par le prestige du grand homme dont il est à leurs yeux la vivante incarnation. Le roi Louis est le moins ambitieux des pères. Aussi chercha-t-il à dérober son fils aux regards et à l’écarter de Rome, où ils habitaient ensemble, les premières années. C’est pour cette raison que, depuis neuf ans, le Prince n’a pas cessé de vivre à Florence. Il y protégea les arts dans la personne de Bartolini le sculpteur, de Muller le paysagiste, de Bezzuoli le peintre de portraits. Fils en cela de sa m, ère, comme il est le neveu du prince Eugène par son beau visage accentué, il ne veut plus devoir qu’à lui-même ses chances d’avenir.

La Reine les sent grandir et ne peut se décider à quitter cet enfant adoré. Elle voit ses deux fils si heureux d’être ensemble qu’elle hésite à les séparer. D’un autre côté, n’ayant pas rencontré ici le roi Louis, elle voudrait être à Rome avant qu’il n’en fût parti pour revenir à Florence. Ces deux raisons se contredisent entre elles. Elle pense cependant les concilier