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d’une sorte d’anse que baigne l’Adige. Il y a dans les rues beaucoup de prêtres de tous les âges, très peu recueillis. Les femmes, toutes jolies, se parent de boucles d’oreilles et de colliers de corail : elles n’en sont pas moins couvertes de vêtemens fort sales, souvent pareils à des haillons.


Mestre, 20 octobre 1830.

En quittant Trente au matin, nous nous enfonçons dans des vallées profondes et fleuries, où la végétation et la richesse du sol sont favorisées par un climat d’une extrême douceur. La population, misérable, déguenillée et malpropre, fait un contraste fâcheux avec cette riante nature.

Nous retrouvons bientôt la trace de l’Empereur. Déjà la veille, à Lavis, le Prince me montrait le pont enlevé le 5 septembre 1796 à l’arrière-garde autrichienne, battue la veille à Roveredo. Par l’effet de ce premier succès, Napoléon était entré dans Trente, et il s’y trouvait entre les deux tronçons de l’armée ennemie, l’un rejeté au Nord vers le Tyrol, l’autre en marche à l’Est vers Bassano, par les gorges de la Brenta. C’est contre ce deuxième corps qu’il s’avança à toute vitesse, dans l’espoir de le battre et de lui couper le chemin de Mantoue, que le général autrichien avait justement pour objet de ravitailler.

Nous nous arrêtons à Borgo di Val Sugana, où le quartier général et l’armée campèrent le 6 septembre. Primolano est le lieu d’où Wurmser fut culbuté le lendemain. Tout près, nous contemplons le petit fort de Cavolo, taillé dans le roc et si élevé qu’il fallut l’attaquer par la hauteur pour le prendre. Un peu plus loin, nous traversons le village de Cismone, où l’Empereur arrivant sans suite, sans bagages, et mourant de faim, dîna de la moitié d’une ration de pain qu’un soldat voulut bien partager avec lui. Ce même soldat lui rappela cette circonstance au camp de Boulogne et ne perdit rien (dit le Prince) à l’en faire souvenir. Cependant, l’impression que l’Empereur avait gardée de cette partie de la campagne n’était pas favorable, parce qu’en dépit de tous ses efforts, ici dans la montagne, ses lieutenans l’avaient mal servi dans la région de Mantoue. Ils permirent à Wurmser battu de se réfugier dans cette place, au lieu de le contraindre à capituler.

Par un enchaînement d’idées tout naturel, la Reine parle