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quelques chambres de garçons, les logemens de Vincent, de tous les domestiques, la lingerie, les cuisines, les remises et les écuries.

Aucun homme n’habite jamais le pavillon de la Reine, excepté un valet de pied, qui couche sur un lit de camp dans l’antichambre. Cependant le rez-de-chaussée est consacré à la vie commune, et il appartient indistinctement dans le jour à tous les habitans d’Arenenberg. Le billard et la bibliothèque ont la vue du Nord ; ils donnent par des portes vitrées sur une terrasse, qui domine presque à pic le lac et la fuite du Rhin vers Schaffouse. Le salon et la salle à manger ouvrent du côté intérieur ; celle-ci fait face à une jolie chapelle gothique, toute voisine de la grande entrée, où la messe est dite par un prêtre de Constance les dimanches matin.

Un portrait de la Reine, son buste, modelé quand elle régnait sur la Hollande, le beau tableau de Gérard représentant le feu prince Napoléon-Charles jouant avec l’épée de l’Empereur, un portrait du prince Napoléon-Louis, dont on dit qu’il a au plus haut degré le visage Beauharnais, sont dans le salon, ainsi qu’une toile représentant Bonaparte au pont d’Arcole. Dans le billard, une aquarelle de Melling montre la rencontre de Napoléon et d’Alexandre à Erfurt. La bibliothèque est toute aux portraits de famille : le général de Beauharnais, l’impératrice Joséphine, le roi Louis, Murat, le prince Borghèse, les enfans du prince Eugène, et, parmi eux, la charmante et délicate princesse Théodelinde, qu’on dit toute pareille à ce qu’était la Reine enfant.

La décoration du salon, en forme de tente, rappelle une disposition qui existe à la Malmaison, et que la Reine a voulu reproduire ici, pour avoir toujours sous les yeux un coin de France. Son appartement occupe la moitié du premier étage. Le reste, autrefois habité par le prince Eugène, est réservé maintenant à la grande-duchesse Stéphanie.

Au second, je suis logée dans une grande chambre à coucher qui donne vis-à-vis du château de Salenstein, jolie ruine gothique, perchée sur la pointe d’un rocher comme un nid d’aigle. Un cabinet de toilette et un boudoir complètent mon gîte, qui me plaît ; la fenêtre du boudoir donne en face du bâtiment d’économie ; elle a vue sur l’escalier qui conduit à cette façon de chalet et sur la petite galerie qui dessert