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au-dessus du sien. Par une disposition particulière, le pavillon carré que nous occupons est entièrement isolé du reste de l’habitation. On l’appelait autrefois le château ; il est bâti sur une sorte de promontoire qui domine le petit lac de Constance et l’île de Reichenau.

C’est en 1816 que la Reine s’est passionnée pour cette belle position. Aussitôt après le départ de l’Empereur pour Rochefort, et de là pour Sainte-Hélène, elle avait quitté précipitamment Paris, sous la conduite d’un officier autrichien, n’avait pas pu trouver d’asile à Genève et s’était réfugiée à Aix, où elle ne demeura que peu de semaines, sans cesse espionnée par la police française. Elle dut s’y séparer de son fils aîné, qu’un jugement du tribunal de Paris lui arrachait, et le laisser conduire à Florence, où le roi Louis le réclamait. Constance l’attirait alors, à défaut de la Suisse, qui lui semblait fermée. Cette ville appartenait au grand-duché de Bade ; la grande-duchesse Stéphanie, née Beauharnais comme elle, sa cousine et son amie, devait, semblait-il, lui en ouvrir les portes avec empressement ; mais la politique en décida autrement.

Le grand-duc fît connaître que la présence de la Reine à Constance ne pouvait être que provisoire ; peu après, il refusa de vendre ses bois de Lorette, où la Reine désirait faire bâtir. Dans le même temps, M. de Metternich offrait un passeport pour Bregenz, dont elle refusa de se servir, ne voulant pas habiter un territoire autrichien. C’est dans cette conjoncture qu’en cherchant une campagne dans la partie du canton de Thurgovie immédiatement voisine de Constance, elle fixa ses regards sur le burg d’Arenenberg.

Le nom ancien du lieu était : Narrenberg (la montagne du fou). Un mur crénelé entourait le domaine, qui paraissait alors pauvre et rétréci. La Reine laissa d’abord Vincent Rousseau, son frère de lait et son intendant, abattre le mur et faire les premiers aménagemens intérieurs nécessaires pour rendre la maison habitable ; elle eut ainsi un campement dont elle s’accommoda les premières années et qui pouvait lui suffire, tant que le prince Louis faisait ses études au collège d’Augsbourg. Depuis, elle a fait construire pour loger tout son monde un bâtiment d’économie à un étage. Le plan carré de ce corps de logis embrasse une cour, où coule une fontaine, et comprend l’appartement du Prince, celui de sa nourrice, Mme Bure,