de ne pas vouloir m’y rendre. Jamais temps n’a été plus propice aux changemens, plus favorable aux entreprises, et « l’on a trop le culte de l’Empereur dans sa famille, pour n’avoir pas hérité quelque chose de son ambition. »
Inzigkofen, 30 septembre.
Il faut prendre sur le sommeil afin de fixer les souvenirs d’une journée pour moi si pleine et si décisive !
La princesse Amélie m’a accueillie avec la même bonté qu’elle m’avait déjà témoignée, lors de ses visites à Strasbourg chez son neveu le prince archevêque de Croy. Au déjeuner de neuf heures, elle m’a présentée elle-même à sa fille et à ses hôtes du moment, les princes de Hohenzollern-Hechingen. Le prince régnant est reparti tout de suite après pour sa résidence de Hechingen. Sa physionomie très vivante et très intelligente est celle d’un homme entre cinquante et soixante ans. On le dit instruit, libéral, et, comme tant d’autres princes allemands, peu enthousiaste de la Sainte-Alliance, à la remorque de laquelle il est obligé de se traîner. Il a été aide de camp de l’Empereur et n’en parle qu’avec admiration. Quant à la révolution de Juillet, il la voit « avec plaisir. » (Je le soupçonne d’avoir causé là-dessus avec Fanny.)
Il laissait à Inzigkofen son fils, le prince Constantin, et sa belle-fille, la princesse Eugénie, fille du prince Eugène. Celle-ci, très désireuse de voir sa tante, me communiquait son impatience, et ne faisait, par-là, qu’augmenter mon trouble. J’ai senti mes jambes trembler sous moi quand le courrier est venu annoncer l’arrivée de la Reine. La princesse Eugénie et son mari étaient allés au-devant d’elle jusqu’à l’entrée du parc, Fanny, M. de Womar, M. de Mayenfisch, gentilhomme attaché à la princesse Amélie, attendaient au bas de l’escalier. Au bruit de la voiture, la princesse Amélie s’est avancée à son tour, me laissant seule et glacée d’effroi au milieu du salon.
Les deux voyageurs ont enfin paru. La belle stature de la Reine était dessinée par une robe à guimpe collante, d’une étoffe de laine rouge rayée de bleu de France, avec un chapeau de soie du même bleu, garni de blondes noires et d’une voilette pareille. Sa jupe un peu courte, à la mode d’à présent, montrait un pied charmant chaussé de bottines gros-bleu comme le reste