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prendre à revers, si possible, en tout cas, arriver au contact et utiliser, grâce à sa structure et à des moyens appropriés, les deux armes que le cuirassé classique ne sait plus, ne veut plus employer, la torpille et l’éperon.

Mais n’insistons point en ce moment sur des concepts nouveaux, qu’il suffit de présenter aux esprits et achevons la lecture du bref récit de mon correspondant :

« Après cela, dit-il, toute l’armée se dirigea vers la Nouvelle, où l’on devait laisser le ministre. En route et par le travers d’Ajaccio, il y eut attaque des sous-marins, puis attaque de tous les torpilleurs. A la Nouvelle, superbe mouillage « tout à la fois, » dont on apprécie tout le prix quand on réfléchit que des bâtimens de 23 000 tonnes, comme le Courbet, et d’autres de 11 000, comme le Saint-Louis, avaient dû stopper au même moment, les distances n’avaient cependant pas beaucoup varié quand les ancres tombèrent…

« Il soufflait un gros mistral sur cette côte du Languedoc. Les communications avec la terre n’étaient point commodes, mais comme le banquet était prêt pour le ministre, il n’y avait pas d’hésitation possible : on fit accoster le Courbet par un de nos contre-torpilleurs, le Poignard, et bientôt M. Gauthier pouvait débarquer à la Nouvelle. Un bon nombre de ses compatriotes, du reste, ne se laissèrent point intimider par la bourrasque : nous eûmes force visiteurs, si bien que le Jean-Bart, qui en avait encore plus de cinq cents au moment de l’appareillage, en fut retardé et dut courir après nous…

« Le lendemain, 30 mai, au matin, nous étions de retour à Toulon. J’avais une forte envie de dormir. Dormir, enfin !… Et je pense que je n’étais pas le seul. Ah ! quelle grosse question serait celle-là, en temps de guerre ! »


J’ai tenu à citer ces morceaux qui donnent, je crois, de justes clartés de ce qui se passa dans cette troisième phase des manœuvres, assez écourtée, semble-t-il, au point de vue de la véritable instruction militaire. La liberté un peu malicieuse du ton de cette lettre ne peut surprendre que ceux qui ne savent point comment on en use dans la marine, sans aucun inconvénient, du reste, parce que l’esprit de sérieuse, de saine discipline et le cordial dévouement à leurs chefs qui animent nos officiers ne font de doute pour personne.