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d’ailleurs prises qu’en vue de permettre au parti A de s’interposer réellement entre les deux groupes de B. En fait, A s’établit sur un parallèle (38°15’) distant de 60 milles de celui de Bizerte, — et c’était un peu loin peut-être, si l’on voulait surveiller étroitement B, et lui courir sus dès sa sortie, — installa entre Sardaigne, Sicile et Tunisie des barrages de sous-marins et de torpilleurs, fit explorer les routes venant du Nord, à l’Est et surtout à l’Ouest de la Sardaigne, par sa division légère, qui ne vit rien, enfin observer les abords de Bizerte par une escadrille que les croiseurs et contre-torpilleurs de B, eurent tôt fait de chasser devant eux[1].

L’attitude expectante du gros du parti français a été, paraît-il, fort discutée dans l’armée navale. Cette passivité relative, en tout cas attentive, n’aurait pas eu beaucoup d’inconvéniens, elle eût eu même l’avantage de permettre au chef de ce parti de prendre à point nommé la direction convenable pour garder la ligne intérieure et battre successivement les deux fractions de l’adversaire, si ses croiseurs avaient été plus heureux dans leurs raids de découverte. Poussant un peu plus dans l’Ouest, ceux-ci auraient rencontré la division de complément (B2) qui descendait au Sud, mais en infléchissant sur sa droite pour atteindre le point de rendez-vous fixé par B1, et qui, jusqu’à sa jonction avec ce groupe, offrait au parti A l’occasion d’un premier et décisif avantage. Mais il eût fallu que ces croiseurs fussent plus rapides et que leur approvisionnement de combustible fût plus abondant, — car les explorations à grande allure consomment d’énormes quantités de charbon ; — il eût fallu, répétons-le, que notre armée navale eût à sa disposition les beaux croiseurs de 20 à 28 000 tonnes ou, au moins, les éclaireurs rapides et à. grand rayon d’action, de 5 000 à 7 000 tonnes, que possèdent toutes les marines, sauf la nôtre.

Les fâcheux autant qu’inévitables effets de cette lacune de notre ordre de bataille étant d’ailleurs bien connus[2], ne

  1. Cette escadrille perdit en effet le contact avec Bizerte et le groupe B1, mais une seconde escadrille de A, composée justement de nos plus forts contre-torpilleurs lui succéda et put rester à portée de vue de B1 sorti de Bizerte le 19 à la nuit tombante. Il est vrai que le chef du parti B (commandant particulier de B1) fit peu d’efforts pour se débarrasser de cette surveillance, s’attachant surtout à marcher vite, sans bruit, sans signaux, vers le point de rendez-vous.
  2. Il en a été fort question, dernièrement, dans la discussion du budget de la Marine au Sénat. Mais, naturellement, on n’est pas arrivé à une solution ferme.