Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/554

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en tout cas, dès qu’elle atteindrait le cap de Gate où, forcément, elle devait incliner sa route, soit au Nord-Est, à peu près, vers Minorque, — ce qui marquait l’intention d’intercepter le convoi en haute mer, — soit à l’Est franc, vers Alger ou au Sud-Est, vers Oran, — ce qui annonçait immédiatement l’attaque de transports à leur départ de la côte d’Algérie et même celle des ports de concentration des fractions constitutives du convoi.

Diverses considérations et en premier lieu, sans doute, la préoccupation d’éviter, en restreignant le champ d’action stratégique, de trop grandes dépenses de combustible, conduisirent à admettre que l’adversaire avait déjà atteint un point situé un peu à l’Est de Minorque lorsque le parti national (parti A, placé à Ajaccio) s’avisait de l’observer. Le choix de ce point initial faussait donc les données naturelles d’un problème dont la solution, je le reconnais, restait toujours délicate en raison du défaut de grands éclaireurs rapides et bien armés qui est le trait essentiel, malheureusement, de la composition de notre armée navale. Nous n’avons pas, en 1914, et n’aurons pas de sitôt un seul croiseur bien armé et bien muni de charbon dont la vitesse, comparée à celle d’un corps de bataille de cuirassés, modernes, présente la nécessaire supériorité — 6 à 7 nœuds au moins — qu’offrait, il y a vingt-cinq ans, celle du Sfax par exemple, vis-à-vis des facultés de la moyenne des unités de combat d’alors[1].

D’ailleurs une conséquence fâcheuse, au point de vue de l’intérêt des opérations du parti français, résultait aussi bien du choix de la position initiale assignée au parti ennemi que de la convention qui ne permettait à ce dernier d’attaquer, d’une part, que Philippeville et Bizerte, de l’autre que Toulon et Marseille, considérés comme points de départ et points d’arrivée obligatoires du convoi. En effet, les deux ports les plus rapprochés du parti B (ennemi) étaient soit Toulon, soit Philippeville, qu’il relevait tous deux à la même distance, 200-210 milles marins. Mais ces mêmes ports se trouvaient pour le parti A (national) à des distances fort différentes, car d’Ajaccio à Toulon, on ne compte que 140 milles, tandis qu’il y

  1. L’auteur de Rome et Berlin, en 1888, faisait observer, depuis Gibraltar, jusqu’au milieu de la Méditerranée, une division allemande de quatre cuirassés essayant de rallier l’escadre italienne, par le Sfax, ayant pour estafette un torpilleur de haute mer.