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s’accroîtra certainement. Dix pensionnaires de la maison, religieuses ou séculières, ont déjà passé leur examen d’une façon satisfaisante. La supérieure ne voit aucun inconvénient à la fréquentation de l’Université par ces jeunes catholiques et elle rend hommage aux soins que prennent les professeurs de ne rien dire qui puisse blesser les catholiques dans leurs convictions. Ce respect explique et facilite bien des choses.

La conversation qui m’a beaucoup intéressé finit tristement. « Croyez-vous, me dit la supérieure, que nos sœurs puissent bientôt rentrer en France ? » Le hasard a fait que j’ai passé en Angleterre les quarante-huit heures du ministère Ribot. L’avènement de ce ministère avait été accueilli avec beaucoup de faveur, et je m’en étais réjoui. Pour toute réponse, je me suis cependant borné à soupirer. Je n’avais pas grande confiance dans l’avenir, mais je ne prévoyais pas que le passage de M. Ribot au pouvoir dût être si court.

Une heure après, je quittais Oxford et un train excellent m’emportait vers Londres, En chemin de fer, je cherchais à faire passer de nouveau devant mes yeux les tableaux, rapides comme au cinématographe, de cette vision, à les rassembler et à me rendre compte à moi-même de l’impression d’ensemble que je rapportais. Toutes les fois qu’on se retrouve dans un lieu qu’on n’a pas vu depuis sa jeunesse et que l’aspect vous en semble différent, il faut toujours se demander si c’est le lieu qui a changé ou si ce ne serait pas soi-même. Lorsque Perdican, dans On ne badine pas avec l’amour, revoit le monde mystérieux des rêves de son enfance, il s’écrie : « Comme ce lavoir est petit ! Autrefois, il me paraissait immense ; j’avais emporté dans ma tête un océan et des forêts, et je retrouve une goutte d’eau et des brins d’herbe. » Ce n’était pas un océan et des forêts que, dans ma tête, j’avais remportés d’Oxford, c’était le souvenir d’une ville tranquille et recueillie, à l’aspect presque monastique, pour reprendre l’expression de mon vieux doyen, où tout semblait vous inviter à l’étude et à la méditation. Cinquante ans après, j’ai l’impression d’une ville animée où la vie serait même un peu agitée et bruyante. Sans doute l’aspect architectural est le même. Pas un des vieux bâtimens n’a été démoli et les deux ou trois bâtimens nouveaux, plus ou moins heureux, qu’il a été nécessaire de construire, sont bien de style gothique. Mais c’est la vie de la rue qui est différente, et il est impossible que cette