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laissé entraîner à parler toilette, je ne crois pas devoir cacher le succès que les deux délégués de l’Université et de l’Institut ont obtenu. M. Picavet portait l’ample robe en soie jaune clair des professeurs de lettres à la Sorbonne. Cette robe, sur la pelouse verte, fait un grand effet et M. Picavet a l’air d’un soleil ambulant. Mais l’uniforme de l’Institut attire aussi l’attention. Je m’en aperçois à ce que je suis très regardé et il est certain que cet uniforme qui prend la taille est plus seyant que les amples toges. A la fin, une dame se détache d’un groupe. Trompée par mon chapeau à trois cornes et mon épée, elle me demande si je suis un officier français. Je suis obligé de lui expliquer que je suis membre de l’Institut, que cet uniforme date du premier Empire, c’est-à-dire d’un temps où tout était militarisé, qu’ainsi s’explique l’épée dont je reconnais l’inutilité dans les cérémonies littéraires, mais que ce costume a été dessiné par le grand peintre David dont le nom paraît être inconnu à cette brave dame. Elle me fait compliment de mon uniforme et finit par demander d’inscrire mon nom sur son birth day book. Ainsi j’ai dû à David l’unique succès de toilette que j’aie obtenu dans ma vie.


EN PÈLERINAGE

La cérémonie officielle s’est terminée avec le garden party de Wadham College. Tous les invités sont repartis par un train indiqué d’avance sur l’invitation. Pour moi, j’ai voulu rester et me donner le plaisir d’une journée passée tranquillement à Oxford. Je voudrais consacrer cette journée à deux occupations différentes. Je veux flâner par la ville, m’arrêter, comme je fais toujours, devant tout ce qui attire mon attention, lire les affiches, chercher les jolis endroits, mais surtout revoir les lieux où j’ai démeuré autrefois. Je voudrais aussi me rendre compte des changemens qui ont pu survenir à Oxford, depuis ma jeunesse, en particulier si les programmes universitaires ont été renouvelés, si les mœurs sont différentes. Sans doute, j’ai peu de temps pour cela. Vingt-quatre heures seulement. Mais en voyant quelques personnes, en les faisant causer, en feuilletant quelques publications, j’en viendrai peut-être à bout.

Trois endroits à Oxford sont restés particulièrement présens