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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




« Rien ne m’aura été épargné, » a dit l’empereur François-Joseph, lorsqu’il a appris la nouvelle de l’assassinat de son neveu et héritier, l’archiduc François-Ferdinand, et, en effet, soit dans le domaine politique, soit dans l’ordre privé, nul homme de son temps n’a été aussi cruellement éprouvé. Les deuils les plus tragiques se sont multipliés autour de lui avec un acharnement d’horreur qui rappelle la fatalité antique, et le dernier coup qui l’a frappé a ramené le souvenir de tous les autres. Le respect et la sympathie du monde entier pour ce grand vieillard, si noble dans son malheur, en ont été augmentés, et, si quelque chose pouvait encore ajouter à la vénération qui l’entoure, ce serait l’admirable lettre qu’il a écrite aux deux présidens du Conseil, en Autriche et en Hongrie, ainsi qu’au ministre commun des Finances, auquel appartient l’administration de l’Herzégovine et de la Bosnie. La sérénité d’âme qui y apparaît servira d’exemple, il faut du moins l’espérer, à ceux qui, dans le premier mouvement d’exaltation et de colère, se sont laissé entraîner à de regrettables emportemens. Rien de tel chez l’Empereur : pas une plainte, pas une protestation. Il caractérise le drame dans ses conséquences les plus lamentables. « Une main criminelle, dit-il, m’a privé d’un parent qui m’était cher, d’un collaborateur fidèle ; il a enlevé à des enfans d’un âge tendre et à peine élevés, qui avaient besoin de leurs protecteurs naturels, tout ce qui leur était cher sur la terre et a amoncelé sur leurs têtes innocentes un malheur sans nom. » Et, après avoir exprimé lui-même cette pitié profonde que nous avons tous ressentie : « Le vertige d’un petit nombre d’hommes induits en erreur ne saurait cependant, ajoute-t-il, ébranler les liens sacrés qui nous unissent, moi et mes peuples ; il ne peut atteindre les sentimens d’affection profonde qui ont été manifestés à nouveau d’une