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REVUES ÉTRANGÈRES

UN LIVRE ALLEMAND SUR FERDINAND BRUNETIÈRE


Ferdinand Brunetière, Beitrag zitr Geschichte der franzœsischen Kritik, par M. Ernst Robert Curtius, 1 vol. in-18, Strasbourg, 1914.


C’est, je crois bien, en l’année 1890 que j’ai eu le grand honneur de passer un mois entier avec Ferdinand Brunetière dans une pittoresque ville d’eaux des environs de Mayence. La polémique qui occupait alors mon cher maître et ami, — car on sait que son âme intrépide ne respirait tout à fait à son aise que dans une atmosphère de bataille, — était une de celles qui ont laissé le plus de traces dans notre histoire littéraire. A propos de la récente apparition de Thaïs, — si je ne me trompe, — M. Anatole France lui-même et M. Jules Lemaître avaient défié Brunetière d’établir la possibilité d’une critique qui ne fût pas « impressionniste, » c’est-à-dire qui ne se bornât pas à traduire, plus ou moins ouvertement, les opinions et les goûts personnels de son auteur ; et l’on pense bien que Brunetière s’était hâté de relever le défi. De telle sorte qu’un nouveau combat s’était engagé, si ardent et mené de part et d’autre avec tant de maîtrise que la presse étrangère elle-même n’avait pu s’empêcher d’en recueillir l’écho. Et donc, un matin, j’avais conduit mon ami au Casino de l’endroit, où je venais de découvrir un long article d’un journaliste allemand, tout consacré à l’analyse de sa dernière plaidoirie en faveur des droits d’une critique « objective. » Mais à peine avais-je commencé à lui traduire l’article, fort élogieux pour lui, que déjà sa provision de patience s’était épuisée. Arrêtant le pénible effort de ma traduction, il