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REVUE DRAMATIQUE


COMÉDIE-FRANÇAISE. — La Nouvelle Idole, pièce en trois actes, de M. François de Curel. — La Révolte, drame en un acte, de Villiers de l’Isle-Adam.


Ç’a été une très belle soirée, d’un plaisir très noble, qui comptera pour la renommée de l’écrivain ; elle fait pareillement honneur au théâtre qui nous l’a donnée et au public qui a su s’y plaire. La Comédie-Française, qui semble en ce moment faire le compte de ses richesses, vient d’inscrire à son répertoire la Nouvelle Idole de M. François de Curel. C’est une des pièces les plus fameuses de l’auteur et l’une des plus caractéristiques dans ce théâtre si particulier. Elle a déjà quinze ans de date, ce qui est un grand espace de temps pour une pièce de théâtre, et, pendant ces quinze années, elle s’est sensiblement modifiée. Car, pour faire l’éloge d’une pièce qui reparaît à la scène, on a coutume de dire qu’elle n’a pas bougé et qu’elle est telle qu’au premier jour. Je crains que ce ne soit pas le meilleur des complimens. Une pièce qui, en prenant des années, n’a rien gagné ni rien perdu, c’est qu’elle n’avait rien à perdre si elle n’avait rien à gagner. Elle pouvait valoir par les qualités spécifiques du théâtre, l’action, le mouvement, l’entente de la scène, dont l’effet est sûr et s’exerce à n’importe quel moment sur n’importe quel public : elle manquait de substance, elle n’avait pas cette richesse de pensée et de sensibilité qui fait qu’une œuvre, qui est véritablement une œuvre, impressionne différemment des publics successifs. Est-ce que nous écoutons le Demi-Monde ou le Gendre de M. Poirier, comme ont fait les contemporains ? Est-ce que les Corbeaux ou la Course du Flambeau ne nous apparaissent pas à chaque reprise sous des aspects nouveaux ? On s’est habitué à certaines hardiesses, on a mieux pénétré le dessein de l’auteur, on est moins choqué par des défauts qu’il n’est plus question de