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et accepter d’eux en retour, le concours le plus efficace en vue du développement de l’œuvre coopérative ; souvent il rendit un hommage public à leur action, et plus tard, lorsque les divisions s’introduisirent au camp des coopérateurs, il n’eut pas de meilleur soutien que le leur.

Malgré l’appui des socialistes chrétiens et les efforts de Holyoake, les débuts de la coopération anglaise ne furent rien moins qu’aisés. A Rochdale même, la société fut, dès ses premières années, l’objet d’un run (assaut) de la part de ses déposans qui, inquiets de la tournure des affaires, venaient réclamer leur argent, et la crise ne fut conjurée que grâce au sang-froid d’un trésorier habile. Bien des coopératives, incapables de surmonter les difficultés du jeune âge, durent fermer leurs portes après quelques mois ou quelques années d’existence, et l’histoire de la fondation de chaque société nouvelle est un véritable tour de force de patience, d’énergie, d’esprit de ressources. A Newcastle, dit la chronique, « chaque soir, les administrateurs devenaient garçons de magasin. » Ce n’est que quand les pesages et empaquetages étaient terminés qu’assis sur des caisses, barils ou autres sièges improvisés, ils « entraient en séance. » Souvent faute de local, les magasins s’installent dans le logement particulier d’un de leurs gérans ; à Derby, on s’établit pour commencer dans un grenier à foin. — Peu à peu, malgré tout, par la contagion de l’exemple, l’idée coopérative prit pied en Angleterre, et les sociétés se développèrent en nombre et en importance, surtout dans le Nord, dans le Lancashire et le Yorkshire, puis en Ecosse, dans l’Ouest et les Midlands, enfin dans le midi de l’Angleterre. En 1852, il y a une centaine de coopératives ; de 1852 à 1860, il s’en crée près de 200, et plus de 300 dans les deux années suivantes. Il s’en fonde beaucoup à la suite et sous l’influence de la publication, en 1857, du livre de Holyoake sur l’histoire de la coopération à Rochdale ; celle de York note dans son Historique : « En 1858, plusieurs habitans de York, ayant lu l’ouvrage intitulé Self help ou Histoire de la coopération à Rochdale, par G. J. Holyoake, résolurent de former dans cette ville une société selon les mêmes règles. » Holyoake sert de lien, de trait d’union, entre les groupemens ; il est l’écrivain officiel, le propagandiste reconnu de la coopération ; il voyage à l’étranger pour la faire connaître ; il lui apporte l’adhésion de Stuart Mill, lequel prononce son premier discours public