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Rationalist Press Association. Les dernières lignes qu’il écrivit furent une affirmation de sa foi agnostique, ou, comme il disait parfois, positiviste. Lorsqu’il mourut en 1906, sa dépouille mortelle fut, selon sa volonté, livrée à la crémation. Il n’avait cependant pu se dissimuler que sa propagande antireligieuse avait échoué en Angleterre, dans ce pays où l’esprit de foi est si profondément ancré et fait si intimement partie de la vie nationale. Mais il faut bien dire que sa vraie carrière n’a pas été celle de l’anticléricalisme, ni celle de la propagande révolutionnaire : c’est dans la coopération qu’il faut la chercher. C’est là qu’il a fait œuvre utile et durable, c’est là que fut son succès, et c’est dans cette œuvre-là qu’il faut l’étudier, c’est cette œuvre-là qu’il faut maintenant étudier.


III

On sait ce que c’est que la coopération : c’est l’union, l’association, soit d’ouvriers, soit de consommateurs, en vue de « produire » ou d’ « acheter » en commun, en supprimant ainsi l’intermédiaire, c’est-à-dire l’entrepreneur ou le patron, et son bénéfice, c’est-à-dire le « profit. » La coopération de consommation est la seule que nous envisagions ici, la seule qui ait réussi en Angleterre. Représentons-nous donc une société de consommateurs qui se sont entendus pour acheter en gros les denrées qui leur sont nécessaires, société gérée par les consommateurs eux-mêmes, j’entends par leurs mandataires élus, et dont le capital est fourni par eux, chacun d’eux devant posséder un certain nombre de parts ou d’actions, lesquelles produisent un intérêt fixe et modéré, 5 pour 100 au maximum. La société achète en gros, puis répartit les denrées achetées entre les consommateurs sociétaires, non pas au prix coûtant, car il faut pourvoir aux risques et aux frais généraux, mais à un prix voisin du prix du marché libre. Périodiquement, elle leur restitue, au prorata de leurs achats individuels, sous le nom de boni, de dividende, ou de ristourne, le surplus que lui laissent ses opérations après paiement des frais généraux, de l’intérêt fixe du capital, etc. : je dis surplus, ou trop-perçu, et non pas bénéfice, car la société, théoriquement, ne fait pas acte de commerce et ne poursuit pas un but de lucre, bien qu’en pratique elle prenne forcément le caractère commercial lorsque,