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l’agitation chartiste ; il est avec Stuart Mill, le pionnier de l’agitation féministe en Angleterre. Tout jeune, il avait fait partie d’une société secrète dont l’objet, à ce qu’il vint à découvrir, était d’assassiner Palmerston, et, toute sa vie, il entretiendra d’étranges relations, ingénument racontées dans ses mémoires, avec des assassins, des voleurs ou des faussaires, qui, cherchant un défenseur, font appel à son cœur naïf et sensible ; il donne, dans son autobiographie, la liste de ceux de ses « amis douteux » qui finirent par être pendus, et il ajoute : « Je ne dis rien de tous ceux qui, d’après l’opinion de juges compétens, auraient mérité de l’être. C’en est assez pour prouver que je suis une personne à relations suspectes. »

Ajoutons qu’en bon Anglais, ce qu’il y a en lui d’anarchique, ou de révolutionnaire, il en réserve surtout l’application pour la propagande à l’étranger : il ne rêve que peuples à libérer, — sur le continent, — et tyrans à abattre, — chez les peuples voisins. — Dès 1853, il organise une campagne et ouvre des souscriptions pour la « libération » des Hongrois, des Polonais, des Italiens. Il se lie avec tous les « patriotes » du continent qui viennent chercher asile en Angleterre, et fait partie du conseil de la « Ligue des Réfugiés : » c’est Kossuth, c’est Bakounine, c’est Mazzini, qui cherche à le convertir au catholicisme, ce sont Louis Blanc, Ledru-Rollin, Schœlcher, Félix Pyat ; c’est parfois aussi, — simple erreur, — quelque espion en surveillance à Londres et à la solde de Napoléon III. L’empereur des Français jouit de sa haine particulière. Il est en rapports avec Orsini et il a deux amis dans le fameux complot qui devait aboutir à l’attentat de la rue Lepeletier ; l’un d’eux fabrique des bombes et charge Holyoake d’en essayer le mérite explosif en quelque lieu solitaire, au cours d’une de ses pérégrinations en province, ce qu’il fit à travers mille complications dont il a laissé le récit tragi-comique dans un de ses volumes. Il édite dans sa librairie de Fleet street toute une littérature « tyrannicide, » et intitule un chapitre de ses souvenirs : Du meurtre comme moyen de progrès. Il prend enfin part à tous les préparatifs de l’envoi d’une Légion britannique à Garibaldi pour le soutenir dans l’Expédition des Mille en 1860.

Si l’âge devait peu à peu mettre un frein à cette passion révolutionnaire, Holyoake resta du moins fidèle à sa doctrine athéistique jusqu’à la fin. En 1890, il devint président de, la